Quai Branly : un “Lièvre blanc” pour les 10 ans
Le Lièvre blanc d’Inaba et des Navajos |
Du 9 au 19 juin 2016
Une création “spécial anniversaire”, nourrie de mythes japonais et amérindiens : Le Lièvre blanc offre un ravissant théâtre musical chorégraphié, aux racines des grands récits de l’humanité. Avec héros, animaux, divinités et aventures, acteurs-danseurs, chanteurs, musiciens, masques et costumes, comme un salut venant des temps enfouis… Le théâtre du musée du quai Branly porte le nom de Claude Lévi-Strauss, et c’est dans son esprit, résolument, que l’établissement fête les 10 ans de son ouverture au public. Il fait donc revenir le metteur en scène japonais Satoshi Miyagi, qui avait inauguré la salle de spectacle en 2006, avec son adaptation du Mahabharata. “Là où dialoguent les cultures”, telle est la devise de ce musée qui programme des spectacles qui sont fiers de leurs origines et ouverts sur le monde. Et c’est à Lévi-Strauss qu’incombe la paternité de Le Lièvre blanc d’Inaba et des Navajos. Le célèbre anthropologue français trace, dans son recueil L’Autre face de la lune, un parallèle entre des mythes japonais et amérindiens. L’histoire du lièvre blanc se trouve dans le Kojiki, une collection des mythes sur la genèse du Japon, connue depuis le VIIIe siècle. Pour Lévi-Strauss, certains de ces mythes sont liés à d’autres, amérindiens. Par exemple, l’histoire de l’Oiseau-Tonnerre que la troupe de Shizuoka fait ici descendre sur le plateau. À la source des légendes Pour l’anthropologue, ces légendes remontent à une source universelle de l’humanité, apparue à l’ère des glaciations : “Tout se passe comme si un système mythologique, peut-être originaire de l’Asie continentale et dont il faudrait rechercher les traces, était passé d’abord au Japon, ensuite en Amérique.” Fragile lapin, encerclé par les varans, picoré par le castor, observé par les dieux… Ce lièvre a de très grandes oreilles, pointues et presque aussi longues que l’actrice sous le costume blanc. Des oreilles comparables uniquement à l’énorme bec de l’Oiseau-Tonnerre. Entre ambiance péplum et dessin animé, cette création, imaginée spécialement pour les 10 ans du quai Branly, est bien sûr un spectacle japonais avant tout. Les acteurs-danseurs du Shizuoka Performing Arts Center s’expriment en japonais (surtitré). Leurs corps sont japonais et la musique aussi. Mais les rythmes et les mélodies sont vifs, même pour des oreilles occidentales. Dans leur splendeur, les masques reflètent le Japon ancien et moderne, mais tout autant l’Amérique latine et même la Grèce antique. Après tout, la présence des musiciens et chanteurs, totalement intégrés dans le spectacle, ravive un art total, tel qu’il fut pratiqué autour de la Méditerranée, il y a deux mille ans. Être le fils du Soleil Avant que le Soleil ne reconnaisse notre héros humain comme son fils (ô combien d’épreuves a-t-il à surmonter !), les acteurs-danseurs accomplissent de véritables exploits en matière d’agilité, de souplesse et d’expressivité, à partir de l’art corporel japonais, que celui-ci se nomme Kyogen, Nô ou Kabuki. Mais ils trouvent des passerelles vers les codes européens, du théâtre masqué, et notamment de la Commedia dell’Arte. Cette traversée (et il est question de traverser des flots dans chacune des trois histoires qui font le spectacle) leur sied de façon si naturelle que Lévi-Strauss aurait été le premier à s’en montrer ravi. Conclusion, en chœur : “Nous dansons et nous jouons de la musique pour le Soleil !” Et voilà. Si Paris renoue avec l’été, vous saurez donc à qui nous le devons : aux représentants du Hi no maru, le cercle du soleil, représenté sur le drapeau du Japon. Thomas Hahn [© Musée du quai Branly / photo : Cyril Zannettacci] |
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