Quai Branly : le retour du « Lièvre Blanc »
« Le Lièvre Blanc », spectacle pour tous les âges et nourri de mythes japonais et navajos, offre un ravissant théâtre musical chorégraphié, aux racines des grands récits de l’humanité. Avec héros, animaux, divinités et aventures, acteurs-danseurs, chanteurs, musiciens, masques et costumes, comme un salut venant des temps enfouis…
C’est un retour aux origines : le théâtre du Musée du Quai Branly, qui porte le nom de Claude Lévi-Strauss, fait aujourd’hui revenir le metteur en scène japonais Satoshi Miyagi, qui avait inauguré la salle de spectacles en 2006, avec son adaptation du Mahabharata. L’histoire du Lièvre Blanc se trouve dans le Kojiki, une collection des mythes sur la genèse du Japon, connue depuis le 8e siècle. Pour Lévi-Strauss, certains de ces mythes sont liés à d’autres, amérindiens. Par exemple, l’histoire de l’Oiseau-Tonnerre que la troupe de Shizuoka fait ici descendre sur le plateau.
A la source des légendes
Pour l’anthropologue, ces légendes remontent à une source universelle de l’humanité, apparue à l’ère des glaciations : « Tout se passe comme si un système mythologique, peut-être originaire de l’Asie continentale et dont il faudrait rechercher les traces, était passé d’abord au Japon, ensuite en Amérique. »
Fragile lapin, encerclé par les varans, picoré par le castor, observé par les dieux… Ce lièvre a de très grandes oreilles, pointues et presque aussi longues que l’actrice sous le costume blanc. Des oreilles comparables uniquement à l’énorme bec de l’Oiseau-Tonnerre.
Entre ambiance péplum et dessin animé
Cette création, imaginée spécialement pour les dix ans du Quai Branly, est bien sûr un spectacle japonais avant tout. Les acteurs-danseurs du Shizuoka Performing Arts Center s’expriment en japonais (surtitré). Leurs corps sont japonais, et la musique aussi. Mais rythmes et les mélodies sont vifs, même pour des oreilles occidentales.
Dans leur splendeur, les masques reflètent le Japon ancien et moderne, mais tout autant l’Amérique Latine et même la Grèce antique. Après tout, la présence des musiciens et chanteurs, totalement intégrés dans le spectacle, ravive un art total, tel qu’il fut pratiqué autour de la Méditerranée, il y a deux-mille ans.
Etre le fils du soleil
Avant que le Soleil ne reconnaisse notre héros humain comme son fils (ô combien d’épreuves a-t-il à surmonter !), les acteurs-danseurs accomplissent de véritables exploits en matière d’agilité, de souplesse et d’expressivité, à partir de l’art corporel japonais, que celui-ci se nomme Kyogen, Nô ou Kabuki. Mais ils trouvent des passerelles vers les codes européens, du théâtre masqué, et notamment de la Commedia dell’Arte. Cette traversée (et il est question de traverser des flots dans chacune des trois histoires qui font le spectacle) leur sied de façon si naturelle que Lévi-Strauss aurait été le premier à s’en montrer ravi.
Conclusion, en chœur : « Nous dansons et nous jouons de la musique pour le Soleil ! » Et voilà. Si Paris renoue avec l’été, vous saurez donc à qui nous le devons : aux représentants du Hi no maru, le cercle du soleil, représenté dans le drapeau du Japon.
Thomas Hahn
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