Proust en clair : Jacques Mougenot fait revivre Marcel Proust à la Huchette
Homme de théâtre et fin lettré, Jacques Mougenot met son subtil talent de conteur dans une présentation passionnante aussi sensible que touchante de Marcel Proust, permettant de découvrir, non sans humour, à quel point l’homme et l’œuvre ne faisaient qu’un.
Celui qui figure parmi les plus grands écrivains français, avec son style ô combien littéraire, dont les phrases aux parenthèses interminables sont restées légendaires, fait, avec sa « Recherche », disons les choses comme elles sont, parfois peur. Ceux qui l’ont lu en entier l’adorent, les autres (les plus nombreux) le regardent comme une pièce de musée fragile qu’il convient de regarder de loin, sans la toucher. Jacques Mougenot a décidé de s’attaquer à ce monstre sacré, il le fait de manière incroyablement pédagogique, drôle et attachante.
Son seul en scène commence à la façon d’un Alain Decaux raconte. Une bonne quinzaine de minutes pour nous dire, à travers des anecdotes savoureuses, qui était l’homme, sa maladie et sa vie (l’attachement maternel quasi pathologique, la nécessité de vivre le plus souvent alité, dans une chaleur aseptisée, ses sorties mondaines et nocturnes…). Pensez que le plus bel esprit de France, foudroyé par l’asthme dés son enfance, passa les quinze premières années de sa vie d’homme à ne rien faire d’autre qu’à courir le soir les plus grands salons aristocratiques pour observer, scruter, écouter et accessoirement, dépenser avec générosité les moyens que la fortune familiale lui avait apportés. Son don pour la mémorisation et l’étude des détails seront ses premiers atouts pour décrire une société huppée, insouciante et frivole, qu’il peindra avec tant de détails et de bonheur dans les tomes de « À la recherche du temps perdu », mêlant si subtilement sociologie, psychologie et philosophie, avec cet intérêt pour la notion du temps, celui qui s’écoule, nous échappe et que l’on s’échine à rattraper. Appelant à la rescousse Paul Morand,
Stefan Zweig, André Gide ou Jean Cocteau, Jacques Mougenot apporte des témoignages extérieurs précieux, avant de nous donner, ponctués par quelques notes de musique d’Hervé Devolder, trois extraits de l’œuvre, particulièrement éclairant. Grand acteur, c’est avec peu de gestes qu’il sait donner vie à cette prose magnifique, nous faisant passer, en un clin d’œil, de l’étonnement à l’émotion, laissant transparaitre dans son jeu une affectueuse et respectueuse admiration. C’est donc bien à un tour de force que se livre avec sobriété mais non sans brio, Jacques Mougenot. Son « Proust en clair » nous enchante au point de nous laisser sortir de son spectacle avec la furieuse envie de lire ou relire notre grand auteur national !
Philippe Escalier
En raison du succès, PROUST EN CLAIR reprendra du 12 avril au 25 mai.
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