Première nationale d’Eonnagata aux Nuits de Fourvière… Epure dansée d’androgynie !
L’Eonnagata, résultante d’une union entre l’Onnagata et la figure du Chevalier Eon, annonce une figure qui sonne aussi pure qu’absconde. Il faut donc se souvenir d’Eon, de ce visage trouble d’espion qui se travestissait en femme à la demande de Louis XV, et apprendre encore, que l’Onnagata désigne l’incarnation masculine d’un rôle de femme dans le théâtre japonais kabuki.
Sans doute la tentative de conférer un caractère universel au propos a-t-elle motivé ce mélange d’influences françaises et japonisantes, et c’est tant mieux, car ce spectacle parvient à nous toucher au-delà de l’histoire narrée, par l’esthétique multiple et saisissante avec laquelle la question de l’identité sexuelle se trouve être abordée. Hypnotiques, les images qui défilent sous nos yeux sont d’une beauté si évidente que la problématique finit transcendée par le geste artiste, et par un jeu de lumière griffé Michael Hulls qui prend une jolie place au beau milieu d’une scénographie garantie intense, découpée et dépouillée.
Mêlant les arts martiaux et chinois aux arts du récit et de la danse, ces trois grands nous emportent de tableau en tableau, dans une chevauchée érotique où la danse et la théâtralité se servent réciproquement. On pourrait être réticent devant la certitude que Robert Lepage n’est pas danseur, que Russel Maliphant est avant tout chorégraphe, et que le prodige Guillem est plus connu pour ses performances classiques que pour ses triomphes de comédienne… Et pourtant, cette pièce montre que ses artistes là ne sont pas seulement fulgurants dans leur propre discipline, mais qu’ils sont également capables d’aspirer les autres dans leur sillon tout en se pénétrant de l’art de ces autres. Car enfin, Robert Lepage nous séduit en dansant ; Sylvie Guillem nous impressionne en contant ; et Russel Maliphant parvient et comme acteur, et comme danseur !
Eonnagata est une création, un ballet, une pièce de théâtre, une leçon d’Histoire, une performance… Bref, un mélange hors norme qui rend grâce à l’ambiguïté sexuelle, mais plus encore à la dualité de l’être en général. C’est à couper le souffle !
Christine Sanchez
Eonnagata,
Création et interprétation: Russel Maliphant, Robert Lepage, Sylvie Guillem
Premières françaises:
Du 9 au 11 juillet 2009
Nuits de Fourvière – Festival lyonnais
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