Pour les fêtes, Blanca Li emballe “Déesses & démones”
Déesses & démones De et avec Blanca Li, Du 22 décembre 2015 Tarifs : de 8 à 58 € Réservation Durée : 1h20 Théâtre des Champs-Élysées M° Alma-Marceau |
Du 22 décembre 2015 au 3 janvier 2016 Blanca Li appelle, et la star du Bolchoï vient. C’est sur la scène mythique du Théâtre des Champs-Élysées, là où en 1913 Nijinski réinventa la danse, que la Desdémone de la danse contemporaine et la danseuse étoile de Moscou croisent leurs pas pour évoquer déesses et démones de la mythologie grecque.
On ne présente plus Blanca Li, la plus madrilène, la plus “show” des personnalités de la danse à Paris, qui n’a rien perdu de son inépuisable énergie vitale et a récemment chorégraphié des danseurs électro, avant de créer un ballet pour humains et robots domestiques. Mais qui est donc Maria Alexandrova ? Danseuse au Bolchoï depuis 1997, promue étoile en 2004, Masque d’or de la meilleure danseuse, invitée par l’Opéra de Paris pour interpréter le rôle principal de Raymonda en 2008, elle est Artiste du peuple de la Fédération de Russie, l’équivalent du titre de Commandeur de l’Ordre des Arts et des Lettres. Leur pas de deux au Théâtre des Champs-Élysées s’inscrit dans cette série de rencontres de stars, qui voient s’unir, le temps d’une création, Carolyn Carlson et Eva Yerbabuena ou Israel Galvan et Akram Khan. Mais justement, Blanca n’est pas une danseuse flamenca, même si elle offre un tableau en robe rouge très andalouse. En s’habillant de noir, elle aspire à incarner un côté démoniaque, encore plus que si elle pratiquait le zapateado. Et de jouer sur les contrastes, face à une Alexandrova toute de blanc vêtue. Quand Blanca se drape de noir Tout est donc préparé pour mettre en valeur une dualité complémentaire mais contrastée, comme dans le yin et le yang, comme pour une vision du monde qui ne tolère pas les compromis. Déesses & démones s’allie par ailleurs aux technologies des arts visuels et numériques pour créer certaines illusions d’optique jouant sur la dichotomie du noir et du blanc. Et ça commence très fort, par une silhouette noire qui se dissout sous l’effet de la trame horizontale. Les lignes élégantes et harmonieuses d’Alexandrova apparaissent comme si Merce Cunningham était revenu pour s’amuser avec son célèbre logiciel Life Forms. Et ici et là encore, l’œil perd de son assurance et le cerveau se demande si le corps qu’on discerne sur scène est bien réel ou s’il est une projection, dans les deux sens du terme. Symétrie totale en noir et blanc pour une pièce qui passe des lumières à sa part sombre, des déesses aux démones… Design et psychoacoustique Les silhouettes des deux sont impeccables, et c’est pourquoi elles aiment se montrer ici en ombres chinoises, sans chinoiserie aucune. Épure japonaise ou coréenne, s’il n’y avait pas cette ambiance américaine, flirtant avec les tableaux d’Edward Hopper. Blanca lève encore la jambe au ciel comme si elle voulait l’avancer jusqu’au Bolchoï même. Aussi elles accordent leurs violons, faisant songer à Diane prenant son bain, aux nymphes ou autres muses, chacune en parfait unisson avec l’autre moitié d’elle-même. En tant que déesses, elles coulent des jours tranquilles dans leur déco de penthouse qui nous plonge dans les années 1990, tout autant que la musique de Tao Guiterrez incluant des arrangements “psychoacoustiques” de Saint-Saëns, Chopin et Albeniz. Pour voir les stores vénitiens les plus surdimensionnés de l’histoire de la danse, c’est donc ici ! Et les deux ballerines s’y fondent comme si la mythologie grecque était une création de l’industrie du design. C’est bien sûr trop beau et trop céleste, mais l’idée était sans doute d’offrir aux Parisiens une fin d’année paisible et esthétique, après tant d’horreurs survenues dans ses rues et ses lieux de détente. Ombres d’Érinyes Blanca et Maria dansent donc une partition léchée, à déguster avec une coupe de champagne, sans jamais être dégoûté par une évocation effrayante ou trop démoniaque, même quand elles incarnent des Érinyes, même quand les serpents de la Méduse rôdent à travers les projections. Entre elles et la salle, un filet transparent, nécessaire aux effets visuels, crée une distance éloignant tout soupçon d’inquiétude. Funeste élégance de la mort du signe… C’est seulement dans un solo magistral sur pointes, enfin porté par une vraie créativité, ou dans un pas de deux digne de l’ouragan d’une transe mystique et exorcisante que les feux de la danse s’emparent des deux corps et de la salle. Cela suffit-il pour déterrer une puissance démoniaque sous le mythe divin ? On tombe plutôt sur un mélange chorégraphique de ballet, de danse jazz, de trames carlsoniennes, de poussées de Martha Graham, de voiles qui tentent de s’envoler comme chez Loïe Fuller, mais qui possèdent la gravité du flamenco. Thomas Hahn [Photos © Nico@ArtList]
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