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Emmanuel Delhomme – librairie Livre Sterling

20 mai 2009
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Emmanuel Delhomme, passionné et animé par les belles lettres, a l’âme d’un révolutionnaire, et d’un publicitaire aussi. Étrange paradoxe qui habite celui qui vit avec son temps certes, mais est assez clairvoyant pour faire partie de ceux que l’on dirait « réac’ », tendrement. Il voit le monde avec les yeux d’un érudit que la société semble trahir par ses déroutes et ses changements vicieux. Alors il constate. Pessimiste parfois. La profession va mal – la sienne – une activité de libraire au joug de loyers exorbitants, de charges accablantes et d’un désintérêt certains pour la lecture de la part d’une clientèle peu exigeante et sujette à l’immédiat qu’un progrès parfois pervers occasionne. La télévision, les téléphones portables, les appareils numériques, tout semble distraire et détourner du simple plaisir de la lecture de nos jours, au grand damne de cet homme qui par un hasard de la vie est devenu libraire, un mois de mai 1970, place de Clichy.

Un autre hasard, celui d’un premier amour cette fois, lui a permis de tenir, et ce depuis près de trente ans maintenant, cette illustre, confidentielle et atypique petite librairie au cœur de ce qu’il nomme un « décor de théâtre ». Dans ce quartier déserté passées 20h, loin des bobos et des curieux, les vingt mètres carrés d’étalage sur le parvis de la boutique font mouche et étonnent les quelques badauds. Moins encore que la trouvaille ingénieuse du libraire et néanmoins excellent communiquant : « Je joue ma réputation de libraire sur ce livre ». Un concept audacieusement vendeur, une technique marketing tout en finesse, permettant à Emmanuel Delhomme de mettre son œuvre coup de cœur en exergue. Mais ce n’est pas là la seule particularité de la librairie Livre Sterling – ainsi nommée en contre-pied à une infructueuse rencontre avec un investisseur britannique. La boutique se distingue, outre par la passion qu’il en émane, par les commentaires bien léchés du propriétaire, un propos succinct écrit simplement au feutre sur un bristol sur chaque livre, incitant bien plus que toutes les promotions surmédiatisées à l’achat. Malgré ces originales tentatives pour attirer l’attention et l’envie de partager ses belles lectures, le libraire observe les passant à l’arrêt devant son magasin, les mains vissées dans leurs poches, ne prenant pas un instant pour « humer », « sentir » un livre, ou en lire une page pour le simple plaisir. Il en était autrement autrefois note t’il.

Non pas passéiste, Emmanuel Delhomme regarde l’avenir avec amertume. Ou ne le voit pas. Il a en horreur le politiquement correct, ce moule qui enferme la masse et force les individus à tous se ressembler, à voir les mêmes films, à lire les mêmes livres… Et cela par peur du risque faute de courage. Il n’y a qu’une solution à son humble avis : oser la différence ! S’affirmer, échanger, partager, voilà en quoi croit le libraire un peu cynique. Ce fana de Jacques Tati se plait à imaginer le cinéaste poser sa caméra dans la rue, revenir une heure plus tard et tenir un bon film. Celui d’une société où « pris au piège, tout se referme autour du citoyen qui n’a plus la faculté de comprendre, de répondre ». Face à une crise économique et sociétale, les comportements changent préférant l’individualisme, les commodités et le divertissement qu’offrent les nouvelles technologies, s’indigne le libraire. Lui ne s’enchaîne pas de toutes ces futilités. Il dresse le bilan d’un monde pathétique et risible mais doucement décadent.  

Cette vision si tranchée est le résultat d’une fougue. On devine derrière cette colère, une sagesse, un appétit insatiable de légèreté, de liberté et d’ouverture. On sent l’homme déçu, en rébellion. Quoi de plus normal pour un libraire qui pressent l’avenir du livre en péril, un objet devenu « has been » pour tant d’autres. D’autres qui ne partagent pas comme lui cet amour et cette boulimie pour la lecture. Pourtant sa passion, Emmanuel Delhomme met tout en œuvre pour la transmettre. Il voudrait changer toutes les règles, pense que nous marquons une page transitoire de l’histoire, mais reste convaincu de l’existence de bon nombre d’écrivains de talent, et que cette valeur-là ne le décevra pas. Il croit au plaisir d’un moment de vie, d’une discussion partagée, d’une belle lecture, d’une pastel… Il est un homme dont on voudrait qu’il soit « mon » libraire, pour son humanité, sa pertinence et parce que c’est un personnage.

Parce qu’il donne, redonne et entretient le goût de la lecture, voici un bavard à qui il faut rendre visite et acheter des livres. Un échange dont on ressort assurément plus riche, une transaction somme toute assez poétique.

– Les recommandations du libraire –

 

Emmanuel Delhomme participe régilèrement à des débats radiophoniques culturels comme Le Masque et la plume sur France Inter. C’est dire comme son avis compte…!

  • Chaos calme de Sandro Veroseni. Ed. Grasset. Depuis dix mois ce livre est sur l’étale de Livre Sterling, il s’en est déjà vendu 1800 exemplaires. Emmanuel Delhomme en est tombé amoureux et joue sa réputation sur ce livre ! C’est un excellent record de vente pour la librairie.
  • Le libraire affectionne particulièrement Pascal Garnier, auteur de Les Hauts du bas (Ed. Zulma). Il s’agit d’une « littérature noire, volontairement cynique pour ne pas dire sinistre, dérageante aussi ». Un auteur lisible par tous selon lui.
  • La Patience des buffles sous la pluie, un recueil de nouvelles de David Thomas, Ed. Bernard Pascuito. « A part, différent ».
  • Pour de « jolies pages d’écriture », lire Paris-Brest de Tanguy Viel (Les Ed. de Minuit) conseille le libraire.
  • Du givre sur les épaules de Lorenzo Mediano, Ed. de la Ramona, fait partie de la sélection d’Emmanuel Delhomme qui en a vendu 120 exemplaires en un mois seulement.

Hélène Martinez

Librairie Livre Sterling
49bis, avenue Frankiln Roosevelt
75008 Paris

 

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