“Polina” : Preljocaj en long métrage
Polina, danser sa vie De Valérie Müller et Angelin Preljocaj Avec Juliette Binoche, Nastya Shevtzoda, Niels Schneider, Aleksei Guskov, Miglen Mirtchev, Kseniya Kutepova, Marie Kovacs, Sergio Díaz Durée : 1h48 Sortie le 16 novembre 2016 |
À partir du 16 novembre 2016 Angelin Preljocaj ne se contente plus d’être la star des chorégraphes français. Le voici aux commandes de son premier long métrage, Polina. Avec un casting franco-russe où l’on retrouve l’actrice Juliette Binoche en chorégraphe et découvre Jérémie Bélingard, danseur étoile de l’Opéra de Paris, comme un acteur très talentueux. Qui est Polina ? Une danseuse, bien sûr. Classique d’abord, contemporaine par la suite. Elle est jeune et a été admise à l’académie de danse. La petite fille de la sombre banlieue de Moscou sera ballerine ! Depuis les feux de la rampe, la gloire tombera sur toute la famille. La mère en rêve déjà. Mais les choses se passeront autrement… On doit l’existence de Polina, danser sa vie au dessinateur Bastien Vivès qui publia en 2011 un manga à succès : Polina, justement. Rien de moins que, très officiellement, le “Meilleur album de l’année” selon les vœux et les votes de l’Association des critiques de BD. Plus qu’un manga, presque un essai sur la relation professeur-élève, où la belle plume de Vivès côtoie une grande finesse psychologique.
Élève de ballet, Polina Oulinov est entre les mains du très paternel, ambitieux et sévère professeur Bojiinski, bon représentant de la grande école du ballet russe.
Vivès s’est inspiré de la ballerine Polina Semionova, vedette de la scène internationale et issue du Bolshoï. Sauf que ce n’est pas elle qui incarne Polina, mais une jeune danseuse de ballet, choisie lors d’un casting organisé en Russie, après avoir rencontré des centaines de danseuses en France et en Russie.
Rebelle, dès le départ La perle rare s’appelle Nastya Shevtzoda et vient du Mariinksi de Saint-Pétersbourg. Et tant pis si elle a dû apprendre le français pour le rôle. Ça lui servira pour la suite d’une carrière qu’elle veut désormais occidentale et orientée contemporaine, exactement comme son personnage dans le film. Car Polina de Preljocaj élargit le périmètre et raconte la relation de Polina à ses parents, à la Russie, à la France, à la danse contemporaine… Le scénario est signé Valérie Müller, réalisatrice et productrice de documentaires ainsi qu’épouse du chorégraphe cinéaste. Tout commence dans une banlieue sombre et enneigée, où la petite Polina sautille en rentrant de ses cours de ballet. Elle se libère par des sauts farfelus, déjà chorégraphe rebelle. Mais ses parents sont pauvres. Polina doit accompagner son père à la chasse et aider sa mère au quotidien. Souvent, elle rate ses cours, ce qui exaspère son professeur. Et pourtant elle avance… Mafia russe Le père abandonne la chasse pour faire transiter des liasses de billets et la famille s’installe dans un appartement cossu. Mais la mafia frappe en pleine fête. Le domicile familial saccagé, Polina se console en dansant et en rencontrant un danseur français (Niels Schneider), venu avec la compagnie d’une chorégraphe française. Cette troupe arrive d’Aix-en-Provence et danse Blanche Neige de Preljocaj.
Double coup de foudre chez Polina, pour la danse autant que pour l’interprète du Prince. Au grand dam de sa mère, la jeune Polina fait une fugue et quitte son école – rejetant le prestige d’être ballerine, tant espéré par ses parents – pour la Provence, son soleil et le Pavillon Noir du Ballet Preljocaj.
Dans le film, pourtant, la troupe n’est pas dirigée par lui. Il ne pouvait pas se trouver en même temps devant et derrière la caméra. La chorégraphe est donc incarnée par Juliette Binoche, laquelle, heureusement, disposait déjà d’une expérience en danse, ayant interprété le duo “I’n’I” aux côtés d’Akram Khan. À la rigueur de l‘enseignement académique russe suit la douceur et la sensibilité affichées d’une chorégraphe occidentale.
Bar de nuit Et Polina continue son voyage initiatique. Elle se blesse, ne dansera plus le rôle de Blanche Neige avec son chéri, se sépare et se libère. C’est en Belgique qu’elle devient serveuse dans un bar de nuit et qu’elle rencontre un jeune chorégraphe avec lequel elle finit par créer un duo.
La Belgique est, on le sait, le creuset de toutes les libertés chorégraphiques. Et pourtant, on admire, dans le rôle du nouveau partenaire de la danseuse déboussolée, une étoile de l’Opéra de Paris, Jérémie Bélingard, qui est aussi fin comédien que danseur. Mais le chorégraphe de leur pas de deux est bien sûr Angelin Preljocaj. Le duo final est la cerise sur le gâteau de Polina, duo si réussi qu’on ne peut que souhaiter une reprise sur scène. Entretemps, en quittant les ambiances dramatiques russes, le film avait changé de nature.
La comédie dramatique s’est mue en une sorte de documentaire truffé d’allusions au monde de la danse. Quant à Preljocaj, il revit grâce à Nastya Shevtzoda ce qui lui était arrivé il y a six ans, quand il créa avec quelques jeunes danseurs du Bolshoï une pièce furieuse intitulée Suivront mille ans de calme.
Rapt chorégraphique
En intégrant ces artistes russes dans sa propre compagnie, il les confronta aux méthodes de travail occidentales et créa quelques transfuges, histoires d’amour comprises. Cette aventure russe se produisit au moment même où Bastien Vivès publia Polina.
Avec l’occidentalisation de la Polina du film et de son interprète, la boucle est bouclée. “La Polina du Bolshoï n’est plus. Je veux apprendre à regarder le monde”, dit-elle à la fin. La danse, à vivre comme une aventure de l’existence, sur les écrans à partir du 16 novembre. Thomas Hahn [embedyt] https://www.youtube.com/watch?v=Wuk7zIJdeBk[/embedyt] [Crédits distributeur © UGC Distribution] Photos : Carole Bethuel Everybody-on-Deck |
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