Please Kill Me – Mathieu Bauer – Nouveau théâtre de Montreuil
Adaptée du pavé romanesque de Legs McNeil et de Gillian McCain, elle retrace l’histoire du punk new-yorkais des 70′ à travers le témoignage de ses acteurs et fait entendre, à la 1ère personne, les voix de : Iggy Pop, Jim Morrison, Richard Hell, Lou Reed, Tom Verlaine, Dee Dee et Joey Ramone, Sid Vicious, Stable Star ou Billy Murcia. Certains se mettent en frais et réssuscitent pour l’occasion. La scène se fait galerie de portraits et revisite ce standard qu’est l’interview d’artistes.
Même époque mais côté brittanique, Ian Dury and the Blockheads assénait un leitmotiv qui illustrait l’idolâtrie du moment présent ou l’absolue adolescence : « sex and drugs and rock’n roll »… Averti du caractère musical de la pièce et peut-être de l’attrait de Mathieu Bauer pour le décloisonnement des disciplines : littérature, cinéma, musique, la présence de musiciens sur scène et l’omniprésence de la musique tout au long de la représentation ne surprend pas. Il faut pourtant reconnaître à l’audacieux metteur en scène (et batteur!) le bel hommage rendu à cette ère du rock. Si déjà, le répertoire est travaillé au rasoir, il y a cette patte vintage qui permet au public de revivre les concerts mythiques par la reproduction du son « crade » de l’époque, l’usage d’instruments d’origine.
La musique, les interviews… l’intrigue manque ! Mais Mathieu Bauer innove et met en lumière une théâtralité inattendue, celle des rock stars : par le récit de leur aventure, leur création de personnages passant par la customisation, les poses figées et déglinguées des pochettes d’album. Les comédiens font transpirer sensualité et animalité sauvage du mouvement par la contorsion des corps, la recherche de postures étranges et provoquantes, ils incarnent l’abandon total dans la musique, abandon de la retenue de soi et de toute mesure. Le terme aujourd’hui galvaudé est à ce moment précis une esthétique de vie, une recherche, un laboratoire, un cri aussi : borderline ! La frontière est chahutée, repoussée, constamment remise en cause.
L’usage de l’anglais est bien vu et rend l’identification des comédiens aux personnages crédible. La présentation du sur-titrage est exceptionnelle, troublant la linéarité du texte ou léchant la scène de surprenantes zébrures. De factuelle voire contraignante, elle devient un élément indissociable de l’esthétique de la pièce, un effet visuel entièrement associé à la scénographie et souvent, avec la vidéo, le seul habillement du plateau.
L’éclatement de la narration, la saturation des guitares électriques et l’atmosphère rocambolesque destabilisent. Toutefois, on parvient à discerner une histoire avec des prémices, un développement, des digressions, une fin. On s’attache, certainement grâce à la fraîcheur des interprètes Kate Strong et Matthias Birbig, à cette allure déguingandée du punk, cet apprenti joli cadavre, fils de James Dean. Et Please Kill Me, comme toutes les productions de Mathieu Bauer, a la suprême qualité de questionner la dramaturgie en faisant davantage que mélanger les disciplnes, en les tissant si serrées qu’il n’est plus si aisé d’en distinguer le format. Le jeune directeur rempli de façon éminemment moderne sa promesse : il souffle un vent de rock’n roll sur la scène contemporaine.
Gaëlle Le Scouarnec
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Please Kill Me
D’après le roman de Legs McNeil et Gillian McCain
Traduction de Héloïse Esquié
Adaptation et mise en scène de Mathieu Bauer
Collaboration artistique et adaptation musicale : Sylvain Cartigny
Avec Matthias Girbig et Kate Strong
Jusqu’au 12 avril 2012
Réservations : 01.48.70.48.90
Nouveau théâtre de Montreui
10, place Jean Jaurès
93100 Montreuil-sous-Bois
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