Pierre-Emmanuel Barré est un sale con – Point Virgule
A quelques minutes de son entrée en scène, l’artiste passe furtivement dans la file d’attente. Décontracté, un brin rieur, il lance: « Vous verrez, le spectacle est vachement bien… Je le sais, c’est moi qui l’ai écrit ! ».
A son arrivée sur les planches, les barrières conventionnelles se transforment vite en particules pointues que l’artiste enfonce sans sourciller. Avec une expression faciale déroutante qu’il ne quittera jamais une heure durant, l’homme aux cheveux grisonnants met en avant le prix dérisoire des places, taille subtilement les « invités » issus de la presse, les titulaires de « tarifs réduits », et joue la dérision en proposant aux spectateurs de se faire rembourser intégralement leurs places « si ils quittent la salle au bout de cinq minutes ». Une entrée en matière ironique qui installe l’audience dans un confort de proximité. Montre en main, il considère pour acquis la présence de son vis-à-vis une fois les cinq minutes conventionnelles passées.
Alors qu’il se refuse à un spectacle « interactif », il se soucie de la mise en scène à travers une trame morbide et des suppositions douteuses. Voilà pour le décor.
Déjà culte, la réplique sur sa haute fertilité supposée sert de détonateur : « Quand je me masturbe, le mouchoir fait des bébés mouchoirs. Je peux même féconder les gens avec les yeux ».
Présenté comme « gentil », « le gros » en prend pour son grade et fait la part belle à l’humoriste qui s’inspire de tous les clichés intemporels pour rendre drôle la situation d’une personne victime d’embonpoint. Une délicieuse absurdité, pas gênante et jubilatoire grâce à une représentation caricaturale poussée.
En bref, l’humoriste passe en revue des clichés et se moque de la société actuelle avec une ironie qui lui va bien. En fait, tous les thèmes abordés sont drôles, à défaut d’être novateurs. Mieux encore, Pierre-Emmanuel Barré se détache aisément des artistes de scène de sa génération. Quand la majorité n’hésite pas à déverser une pluie diluvienne d’avis politiques rédhibitoires en plus d’être répétitifs, lui se contente de généraliser l’information sans montrer d’appartenance quelconque. Là où les autres s’arrêtent aux frontières du politiquement correct, lui continue, avec brio. Une heure de show et puis s’en va. Une heure où l’ennui n’existe pas.
Pierre-Emmanuel Barré est-il un sale con ? Oui, et en plus, il fait rire.
Olivier Cougot
Pierre-Emmanuel Barré se produira de nouveau au Théâtre du Point Virgule (Paris), les 7 et 8 mai à 20h et du 7 au 28 juillet 2012 à 17h, au théâtre Le Capitole, dans le cadre du Festival Off d’Avignon.
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