Philippe Decouflé : « J’adore les couleurs »
Philippe Decouflé adore amuser son public et sait faire de la danse contemporaine un événement populaire. Nouvel artiste associé à Chaillot, il y présente ses « Nouvelles pièces courtes », où l’imagination est au pouvoir: Une série de voyages chorégraphiques vous amènent au Japon, chez Vivaldi, dans les airs ou… dans un trou!
Pas si courtes que ça! Cinq histoires en une heure et demie, ça laisse presque vingt minutes à chacune. C’est énorme quand on sait que Decouflé a su raconter des histoires en quelques secondes, quand il signa le fameux « habillage » des modules pub de France 2 en 1999/2000. On peut donc lui faire confiance pour savoir enchanter la dynamique d’un propos condensé, où tout part de la chorégraphie, pour permettre à d’autres éléments, la vidéo par exemple, de compléter l’histoire.
Pièces courtes, séries longues
Les « Nouvelles pièces courtes » se posent à Chaillot du 29 décembre au 12 janvier inclus (série interrompue uniquement le 31 et le 1er), pour revenir sur le même plateau du 20 avril au 10 mai 2018. Par contre, il n’est pas certain que le spectacle sera exactement pareil. Car Decouflé écrit : « Ce spectacle est un programme de plusieurs pièces. Il évoluera tout au long de la tournée, au cours de mon inspiration. D’autres pièces seront créées au fil du temps et viendront s’ajouter à l’ensemble. »
Mais Decouflé a aussi « habillé » les danseuses du Crazy Horse dans son époustouflant programme « Désirs », également fait, et il ne pouvait en être autrement, d’un ensemble de tableaux aussi vifs que brefs. Ceci pour dire que Decouflé, fondateur et pilote de la compagnie DCA, est certainement le chorégraphe le mieux armé pour affronter le défi de trouver la cohérence dans les contrastes et la diversité.
Eloge de la brièveté
Personne ne la fera mieux que Decouflé lui-même: « Beaucoup de spectacles de danse moderne qui m’ont marqué sont construits de la sorte : de Georges Balanchine à Merce Cunningham en passant par Martha Graham et Alwin Nikolais, les chorégraphes américains qui m’ont influencé présentent presque toujours des spectacles modulables composés de pièces courtes. Je pense que ce système convient bien à la danse, où l’écriture est souvent plus poétique que narrative, et où le format doit être adapté au sujet. Enfin, peut-être plus fondamentalement encore, l’attachement aux formats courts me vient du rock’n roll : des morceaux brefs et efficaces gagnant en puissance ce qu’ils perdent en longueur. »
Eloge de la couleur
« J’essaye de retrouver une poésie, un jeu sur les couleurs, j’adore les couleurs, j’adore la peinture, je me nourris beaucoup de peinture! » Decouflé sait le prouver sans tomber dans une orgie hors contrôle. Les tableaux les plus coloriés de ses « Nouvelles pièces courtes » sont le voyage au Japon et cette drôle de pièce où tous les danseurs portent les académiques les plus farfelus de l’histoire de la danse.
Les juste-au-corps se permettent ici quelques divagations, quelques plis et surtout des dessins géométriques et pourtant imprévisibles, rappelant autant armures et costumes d’Arlequin, autant Merce Cunningham que l’époque « Codex/Décodex » de Decouflé. Par lui-même : « Ils ressemblent à des poupées vaudou, venues d’on ne sait où. »
Hommage à la mère
Visuellement très vif aussi, le « Voyage au Japon ». Tout le contraire des images stéréotypes nippones du sempiternel blanc-rouge-noir. Mais trop de couleurs tuent la couleur. On ne la remarquerait plus. C’est pourquoi d’autres tableaux sont visuellement plus sobres. Par exemple, « Le Trou », une pièce créée « pour observer l’envers du monde et le monde à l’envers ». Une autre porte sur l’évolution de l’espèce humaine, du microbe à l’homo sapiens, le tout dansé, en quelques minutes.
Avec Vivaldi, Decouflé rend hommage à sa mère qui aimait tant l’Italien. Ca change du rock, mais la durée des compositions baroques est bien plus proche de celle des « Nouvelles pièces courtes » que le rock que Decouflé a l’habitude d’amener sur scène, dans ses créations. Et si Vivaldi est assez arien, Decouflé ajoute justement une pièce où les danseurs montent en l’air et nous amènent avec eux, par empathie interposée.
Thomas Hahn
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