0 Shares 239 Views

“Personne d’autre” : le bouleversant cri d’amour d’Aurélie Saada

Hélène Kuttner 19 mars 2025
239 Vues

©Bertrand-Exertier

Daniel Benoin confie à l’artiste Aurélie Saada le monologue d’une femme quittée par son conjoint pour en épouser une autre, plus jeune. Dans un décor somptueusement décati, la comédienne est éblouissante de maîtrise et de puissance dramatique.

Naufrage

C’est l’histoire d’un naufrage, d’un abandon en haute mer, d’une survie sur un radeau. C’est l’histoire, on ne peut plus banale, d’une femme de quarante ans qui se retrouve un beau matin quittée par l’homme qu’elle aime, au motif qu’il va en épouser une autre plus jeune. Pourtant, sous la plume magistrale de Botho Strauss, la douleur de cette femme devient aussi sa force, son désastre une chance de se reconstruire. Le metteur en scène Daniel Benoin avait déjà adapté cette nouvelle pour la scène en 1991, et il a eu envie aujourd’hui de le faire revivre en l’offrant à une merveilleuse interprète, la chanteuse et réalisatrice Aurélie Saada, qui s’en empare royalement, comme un intense moment de vie. 

Un voyage en eaux troubles

© Bertrand Exertier

Dans un très beau décor signé Virgile Koering et des lumières de Daniel Benoin, Aurélie Saada apparait, pieds nus, dans une nuisette blanche, comme une adolescente paumée, à la démarche déjà lourde d’une femme revenue de tout. Son cri d’amour est d’abord un cri de désespoir, un appel, un chant passionné à un homme avec lequel elle a vécu dix-sept années, et dont le portrait se dessine au crayon, au dessus du piano. Alors qu’il se marie aujourd’hui, elle décide de lui écrire et tourne autour du papier et de la table sur laquelle elle doit coucher ses mots. Mais les mots se mettent à danser, à se révolter, à rugir au son de sa colère, de sa rage, de sa passion. Les phrases qu’elle prononce le réinventent, en même temps qu’elles racontent leur amour passé. Aurélie Saada les prononce de manière directe, en modulant avec mille nuances son jeu, tour à tour désespérée ou violente, romantique ou lucide, toujours sincère. 

Entre souvenirs et cauchemars

© Bertrand Exertier

L’espace de la maison se peuple de rêves et de cauchemars. “Tu es heureux, et aveugle, je suis malheureuse, et je vois.” Extra-lucide et rationnelle, l’actrice s’enveloppe d’un costume d’homme, avant de disparaître et de revenir moulée dans une robe rouge de star. Toujours digne, puissante et présente au monde, elle embarque le public, conquis, dans le plus beau des voyages : dans l’intimité de ses brisures et de ses rêves, dans le flux continu d’une reconstruction de soi et d’une liberté nouvelle. C’est magnifique.

Hélène Kuttner 

Articles liés

La 4e édition d’Africapitales “DAKAR à Paris” au Lavoir Moderne Parisien
Agenda
46 vues

La 4e édition d’Africapitales “DAKAR à Paris” au Lavoir Moderne Parisien

Du 17 au 30 mars 2025, Africapitales « Dakar à Paris » viendra explorer la scène contemporaine de la capitale sénégalaise. Théâtre, danse, concerts, mode, projections, expositions, rencontres-débats… entrent en connexion pour mettre en synergie les dynamiques diasporiques et...

unRepresented by a ppr oc he revient pour une 3e édition du 4 au 6 avril au Molière à Paris
Agenda
70 vues

unRepresented by a ppr oc he revient pour une 3e édition du 4 au 6 avril au Molière à Paris

Pour sa troisième édition, le salon unRepresented by a ppr oc he revient du 4 au 6 avril au Molière à Paris et réunit 16 propositions singulières : 15 solo shows, et une installation in situ. Parmi elles, sera...

“La Ménagerie de verre” de Tennessee Williams : une création inédite à découvrir pour la première fois au Lucernaire !
Agenda
62 vues

“La Ménagerie de verre” de Tennessee Williams : une création inédite à découvrir pour la première fois au Lucernaire !

Nous sommes chez les Wingfield, à Saint-Louis, dans l’Amérique des années 30. Amanda élève seule ses deux grands enfants, Tom et Laura. Elle est dépassée par l’éducation de ses enfants, connaît des difficultés financières et une sorte de crise...