“Parle, envole toi !” : une ode à la liberté signé Bruno Abraham-Kremer
Dans un spectacle en forme d’ode très personnelle à la liberté, mis en scène avec la complicité de Corine Juresco, Bruno Abraham-Kremer, auteur et acteur, revisite sa vie et sa jeunesse pour en faire jaillir la source de sa vocation d’acteur. « Les paroles sont des ailes » a dit un jour à son disciple le Rabbi Nahman de Bratslav. Des ailes qui permettent de raconter des histoires et qui sauvent des vies. Un moment de théâtre éblouissant.
Le théâtre me sauve la vie mais je ne le sais pas encore
C’est l’histoire d’un petit garçon, âgé de cinq ans, qui en 1962 traverse en voiture l’Europe avec ses deux parents direction Auschwitz. Dix-sept ans après la fin de la Seconde guerre mondiale, le contact avec les survivants de l’Holocauste dans une synagogue de Budapest transforment le gamin juif en miraculé. Pourtant, à partir de ce miracle qui fait de lui un enfant grandi trop vite, sans trop comprendre pourquoi, Bruno Abraham Kremer s’en saisit comme une chance. A huit ans, alors que ses parents se sont séparés et qu’il survit douloureusement auprès d’un père autoritaire et désespéré, il construit sa vie, imagine ses héros, son western de pacotille, et s’habille en jeune homme. A 13 ans, l’adolescent est déjà un homme qui connait les femmes et le monde, la naissance et la mort, son premier théâtre de rue. De cette humanité des faubourgs de Paris, interlopes et noctambules, l’auteur-acteur fera vite le miel de ses créations pour se libérer d’un quotidien trop lourd à porter.
Rendre visible l’invisible
Tout est là. Au théâtre, selon le grand metteur en scène Peter Brook, il s’agit de « rendre visible l’invisible ». Et Bruno Abraham Kremer, comme Philippe Caubère, rend hommage aux maîtres lumineux qui lui ont ouvert la voie, jouant tous les personnages avec une grâce et une souplesse de chat. Son antique prof de français, longue tige accrochée à sa Gitane filtre, emmène sa classe de lycée voir l’Âge d’Or de Mnouchkine au Théâtre du Soleil, et c’est la révélation ! Puis ce sera la quille vers Nice et une troupe de théâtre. « Mais d’où ça te vient ce truc-là ? Personne dans la famille n’a jamais fait une chose pareille ? » lui dit son père, à qui, mourant, il s’adresse tout au long de ce spectacle confession. Quoi de plus magique, de plus fantastique que d’être vu sur une scène ? D’exister sur cet espace en trois dimensions, aux yeux de tous ? Seul, dans la peau de Molière ou de Staline, d’un Dibbouk ou d’un Juif corse aux allures de justicier, le comédien glisse avec humour et fantaisie dans toutes ces peaux pour y trouver la sienne, enfin, parée de tous les masques de ses ancêtres. Comme pour poursuivre une ligne de vie, celle d’un enfant du miracle, un cow-boy de l’histoire tragique de l’Europe qui chantonnerait en yiddish en mâchonnant du chewing-gum, mi-clown mi-cracheur de feu, accroché à la vie définitivement.
Hélène Kuttner
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