Paris Quartier d’Eté : Forsythe, Nadj, Eun-Me Ahn et autres merveilles
Paris Quartier d’Eté Du 14 juillet au 7 août 2016 |
Du 14 juillet au 7 août 2016 Le festival parisien qui console les amoureux de spectacle ne pouvant se rendre à Avignon fait la part belle à la danse et au cirque. Des propositions alléchantes, souvent gratuites, portées par des chorégraphes ou metteurs en piste – le cirque est là avec force – qui parfois nous font (re)découvrir des trésors, comme ce duo historique entre Josef Nadj et Dominique Mercy. « Petit psaume du matin » est empreint d’une complicité entre deux hommes qui se regardent, se portent, se touchent avec une poésie infinie, comme s’ils jouaient une sonate à quatre mains. Dominique Mercy, danseur emblématique de la compagnie de Pina Bausch, récemment revenu sur la scène du Théâtre du Châtelet, noue ici avec Nadj des liens si profonds que le chorégraphe serbo-hongrois revisita par la suite toute son approche des relations humaines. Josef Nadj/Dominique Mercy Car ce « Petit psaume du matin » a vu le jour à Venise, lors de la Biennale de 2001 pour devenir un des duos les plus appréciés en danse contemporaine. Mais s’agit-il ici de « danse »? Le ralenti permanent invite autant à la rencontre avec l’autre qu’avec soi-même. La lenteur apparente n’est pas un effet de style, elle vient de l’intérieur et intensifie les émotions. Le Petit psaume » de Nadj et Mercy n’est que métaphore et poésie. Quinze ans après sa création, les deux artistes reprennent ce double portrait bouleversant qui aura muté, muri et ne sera pas tout à fait le même qu’en 2001, pas tout à fait un autre, exactement comme Nadj et Mercy qui se reflètent l’un dans l’autre. Mais Nadj est également artiste plasticien et visuel qui expose de plus en plus souvent ses dessins, sculptures ou, comme ici, des photogrammes. Son lien avec le monde animal et végétal s’exprime, du 21 au 29 juillet, dans une présentation au Collège des Bernadins. Sur les traces des précurseurs de la photographie, Nadj crée des paysages énigmatiques qui éclairent, paradoxalement, son univers de chorégraphe. Lieux insolites L’un des attraits de Paris Quartier d’Eté est de nous faire découvrir des lieux insolites ou d’en faire apparaître sous des jours artistiques. Dans ces lieux publics, l’accès aux concerts, spectacles ou installations est gratuit, comme cette année par exemple pour voir « Landscape(s) #1 » de Marion Even et Quentin Claude, installation acrobatique et plastique, tournant dans les parcs d’Île de France, des Lilas à Orly, toujours en dialogue avec le paysage. Certains « Ballets confidentiels » se tiennent sous forme de ballade dansée, dans un lieu tenu secret, ou bien au Musée Picasso ou au Jardin des Tuileries, mais aussi en appartement chez des particuliers. La chorégraphe Joanne Saunier porte cette formule dans les lieux les plus divers, sauf dans des théâtres. Les pièces sont brèves, l’entrée est gratuite et pour les représentations en appartement il faut s’inscrire sur jeveuxvenirchezvous@parisquartierdete.com. Forsythe Qui n’a pu voir la soirée Forsythe à l’Opéra Garnier, se consolera par « Duo 2015 », interprété par deux danseurs de la compagnie de Forsythe, à savoir Brigel Gjoka et Riley Watts. Ce duo, à l’origine créé pour deux danseuses a fait partie de la récente tournée d’adieu de Sylvie Guillem. Il est maintenant interprété par deux hommes, et Paris Quartier d’Eté a réussi à lui ouvrir les portes de l’Eglise Saint-Eustache, pour quatre représentations. Le langage si plastique et virtuose de Forsythe y résonnera avec une intensité poétique toute particulière. En danse, Paris Quartier d’Eté présente en outre la rencontre entre Maria Munoz, chorégraphe contemporaine de la compagnie Mal Pelo, et l’auteur-chanteur Nino de Elche qui réinvente le flamenco à la guitare électrique, ainsi que Pierre Rigal avec « Bataille », un duo entre un acrobate et un danseur féru de percussion corporelle. Les deux se battent, dans tous les sens du terme, et jouent avec la facette la moins avouable de nos rapports à autrui, nos envie refoulées. Et c’est drôle. Eun-me Ahn au Carreau du Temple Et l’immense chorégraphe coréenne Eun-me Ahn envoie un bouquet final pour l’année France-Corée. Carte blanche à cette enfant terrible de la danse contemporaine, qui s’est imposée, ces dernières années, comme l’une des figures les plus originales. Elle présente ici « Let me change your name », une pièce dans laquelle les interprètes ne cessent d’échanger leurs vêtements et avec eux des parties de leurs identités. On pourra ici découvrir une Eun-me Ahn plutôt sobre, moins baroque ou farfelue que dans les pièces présentées ces dernières années. [embedyt] https://www.youtube.com/watch?v=ZmqpAXdUY8U[/embedyt] « Let me change your name » est dansé uniquement par la compagnie d’Ahn, alors que nous l’avons connue comme une chorégraphe mélangeant danseurs professionnels et grand-mères, adolescents ou autres employés de bureau. Mais elle compose, sous le titre de « We are Korean, honey! » toute une semaine de spectacles, et y intègre « 1’59 », une formule qu’elle propose en Corée depuis quatre ans. Une centaine de personnes créent des pièces brèves, et tout est possible, du solo à une centaine d’interprètes. C’est au Carreau du Temple que se déroule ce festival dans le festival, avec des concerts de musique coréenne traditionnelle, rock ou autres cérémonies shamaniques. Gandini Juggling et Face Nord C’est la troupe qui s’impose en ce moment à travers l’Europe, avec ses impressionnantes chorégraphies jonglées. Les Anglais de Gandini Juggling viennent avec « Smashed », leur pièce phare, un hommage vibrant, fin et intelligent à Pina Bausch et sa capacité à parler d l’humain sous la danse et à travers le théâtre. Les Gandini transposent cet univers dans leur langage, en jonglant avec des pommes, en buvant du thé, en jouant les relations entre amis ou membres d’une famille, et surtout dans le couple, autour de ces rapports de séduction qui sont le fondement des comédies dansées de la défunte chorégraphe de Wuppertal. « Smashed » est une pièce populaire au meilleur sens du terme, pleine d’humour, qui s’adresse à tous les âges et tous les regards. [embedyt] https://www.youtube.com/watch?v=PPRHr8cOnHU[/embedyt] Second rendez-vous circassien majeur au programme, « Un loup pour l’homme » de Face Nord reprend le thème de « Bataille » de Pierre Rigal. Quatre garçons, comme dans un ring de boxe, doivent construire ensemble – un pont, un groupe, la vie… – mais ont autant envie de se jouer des tours. Ces quatre athlètes aux désirs enfantins apprennent à être solidaires, en grimpant, en sautant, en tombant… les uns sur les autres. Ludique et drôlement vrai concernant la nature du mâle dans notre société, « Un loup pour l’homme » amuse et impressionne. Ce quatuor débridé est l’une des plus grandes réussites du cirque contemporain de ces dernières années. Thomas Hahn [ Photos : DR / Agathe Poupeney / Hippolyte Jacquottin / Bill Cooper ] |
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