Jean Anouilh
Jean Anouilh nait à Bordeaux en 1910. Son père est tailleur et sa mère, violoniste, lui fait découvrir les grands auteurs de théâtre classiques dans les casinos où elle joue. Scolarisé au collège Chaptal, l’élève se passionne pour l’art dramatique et l’écriture. A l’âge de dix-huit, une mise en scène de Siegfried, de Jean Giraudoux, le bouleverse ; une véritable révélation qui marquera tout son œuvre.
Anouilh étudie tout d’abord le droit et entame une carrière professionnelle dans une agence de publicité. En 1929, il devient secrétaire du célèbre Louis Jouvet. Mais, contrairement à l’adage, les grands esprits ne se rencontrent pas toujours puisque les deux hommes ne s’entendent pas du tout. Anouilh se serait vu attribuer l’adjectif peu flatteur de « miteux ».
L’Hermine, sa première pièce, reçoit, en 1932, un accueil encourageant. Mais c’est Le Voyageur sans bagages (1937) qui confère à l’écrivain notoriété et popularité. Un an plus tard, La Sauvage assoit définitivement sa réputation. L’auteur se voue désormais entièrement à l’écriture, dont il tire des revenus suffisants. A la veille de la Seconde Guerre mondiale, Anouilh épouse la comédienne Monelle Valentin qui lui donne une fille. Il produit bientôt Le Bal des voleurs (1938). En pleine occupation allemande, il rédige Eurydice (1942). Il s’associe avec les metteurs en scène Georges Pitoëff ou André Barsacq.
Le refus d’Anouilh de s’engager pour ou contre la collaboration ou la résistance lui attire une salve de reproches. Si Antigone (1944) triomphe, à la fin de l’occupation allemande, l’œuvre suscite une vaste polémique. Anouilh ferait trop la part belle à Créon, et défendrait, en cela, l’ordre établi. L’artiste prend également parti contre l’exécution de l’écrivain collaborateur Robert Brasillach. Sa mise à mort le choque profondément.
L’après guerre ouvre une période artistique féconde. L’Invitation au château (1947), puis Ardèle ou la Marguerite (1948), voient le jour. L’Alouette (1953) rivalise de succès avec Antigone. Suivront encore, en 1959 : L’Hurluberlu, le réactionnaire amoureux, La petite Molière et Beckett ou l’honneur de Dieu. Jean Anouilh ne tarde pas à s’essayer à la mise en scène, art qui lui réussit. Il monte Tartuffe de Molière ou Richard III de Shakespeare. Il révèle en particulier Victor ou les enfants au pouvoir de Roger Vitrac, en 1962.
L’écrivain, pudique, écrit au metteur en scène Hubert Gignoux : « Je n’ai pas de biographie et j’en suis très content. » A partir de 1938, les biographes de l’artiste reviennent en effet à peu près bredouilles quant à sa vie privée.
Le pessimisme teinte le théâtre d’Anouilh. Son œuvre se situe sous le signe de la pureté blessée, assimilée à celle de l’enfance. Cette pureté, mise à mal par le monde des adulte, explique la révolte des personnages. Ceux-ci refusent toute complaisance. Ainsi, Antigone se révolte face à Créon et Thérèse, héroïne de La Sauvage, refuse d’aimer un très riche compositeur malgré sa pauvreté. L’impuissance marque par ailleurs les personnages qui sont parvenus à grandir.
Le recours à une langue simple et vraie caractérise le travail de l’écrivain. Ses pièces « noires », « roses », « brillantes » ou « grinçantes », selon ses mots, empruntent à des registres variés. S’il signe des tragédies comme Eurydice, une partie de son œuvre est apparenté au théâtre de boulevard.
Le théâtre d’Anouilh devient toujours plus militant, alors que l’auteur avance en âge. Son style s’assombrit, ses charges s’alourdissent et son ironie devient plus mordante. Il signe un brillant réquisitoire contre les procès faits aux collaborateurs après la Libération, Pauvre Britos. Il fustige les intellectuels de gauche dans Chers Zoiseaux et moque les féministes à travers La Culotte.
L’auteur contribue à faire connaître une nouvelle générations de dramaturges comme Ionesco, Beckett ou Dubillard. En 1987 Jean Anouilh s’éteint, sur les bords du lac Léman. Son œuvre théâtrale, elle, demeure aussi lumineuse que vivante.
Jeanne Rolland
Bibliographie sélective
- 1932 : L’Hermine
- 1933 : Mandarine
- 1935 : Y avait un prisonnier
- 1937 : Le Voyageur sans bagage
- 1938 : La Sauvage, Le Bal des Voleurs
- 1940 : Léocadia
- 1941 : Eurydice, Le Rendez-vous de Senlis
- 1942 : Antigone
- 1946 : Médée, Roméo et Jeannette
- 1947 : L’Invitation au château
- 1948 : Ardèle ou la Marguerite
- 1950 : La Répétition ou l’amour puni
- 1951 : Colombe
- 1952 : La Valse des toréadors, L’Alouette
- 1955 : Ornifle ou le courant d’air
- 1956 : Pauvre Bitos ou le dîner de têtes
- 1959 : Becket ou l’honneur de Dieu, L’Hurluberlu ou le réactionnaire amoureux, La Petite Molière
- 1961 : La Grotte
- 1968 : Le Boulanger, La Boulangère et le Petit Mitron
- 1969 : Cher Antoine
- 1976 : Chers Zoizeaux
- 1981 : Le Nombril
Citations
- « Chacun de nous a un jour, plus ou moins triste, plus ou moins lointain, où il doit enfin accepter d’être un homme. »
- « Comprendre : toujours comprendre. Moi je ne veux pas comprendre. » (Antigone)
- « C’est plein de disputes, un bonheur. » (Antigone)
- « Le drame du cocu, c’est le drame de l’homme : la connaissance. » (Colombe)
- « La beauté est une des rares choses qui ne font pas douter de Dieu. » (Becket ou l’honneur de Dieu)
- « Les apparences suffisent largement à faire un monde. » (Le Rendez-vous de Senlis)
- « Quelle musique, le silence ! » (Le directeur de l’Opéra)
- « On ne doit jamais battre une femme – même avec une fleur ! » (Tu étais si gentil quand tu étais petit)
- « Les hommes, c’est comme les chiens, ça mord parce que ça a peur. » (Le Directeur de l’Opéra)
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[Visuel : Signature, Jean Anouilh, French dramatist (1910–1987). From an undated Birthday letter to an unknown person.Date unknownSource www.icollector.com/Jean-Anouilh_i9617034 This signature is believed to be ineligible for copyright and therefore in the public domain because it falls below the required level of originality for copyright protection both in the United States and in the source country (if different). In this case, the source country (e.g. the country of nationality of the signatory) is believed to be France.]
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