“Onomatopée”, un joyeux bric-à-brac
Onomatopée De tg STAN, de KOE, Dood Paard, Maatschappij Discordia Avec Gillis Biesheuvel, Damiaan de Schrijver, Willem de Wolf, Peter Van den Eede et Matthias de Koning Jusqu’au 6 novembre 2015 à 20h Relâche les 31 octobre et 1er novembre 2015 Durée : 1h45 Tarifs : de 16 à 26 € Théâtre de la Bastille M° Bastille |
Jusqu’au 6 novembre 2015
Cinq acteurs habillés en garçons de café font mariner le public dans une délirante ambiance sonore et gestuelle. Le capharnaüm du non-sens y est déroutant et grisant. Les cinq trublions se sont réunis pour ce spectacle, alors qu’ils viennent de différentes compagnies flamandes et néerlandaises qui sont de KOE, Dood Paard, tg STAN et Maatschappij Discordia. Leur travail collectif s’est construit autour de l’onomatopée, l’humour ainsi que la volonté d’intégrer le spectateur à la représentation. Installés autour de tables de bistrot, ils reçoivent le public dans une fausse improvisation impeccablement menée. Quelque peu blasés mais contents d’être là, ils nous perdent dans leur propre vague à l’âme et une étrange sensation monte progressivement. On ne sait plus trop où se circonscrivent le jeu ni les limites du langage, emportés dans cette joyeuse revendication de liberté. Une théière, de la menthe et un pain de sucre vont donner lieu à une conversation folledingue qui n’en est pas une, irrésistible occasion de suggérer des considérations absurdes sur le Maroc, les Arabes et les Berbères, l’altérité donc, tandis qu’au-dessus de la cloison sur laquelle ils sont adossées défilent de faux slogans parlant, entre autres, de “la disparition de l’élan spontané bon gré mal gré dans les sociétés néolibérales”. Le temps passe comme ils le disent eux-mêmes, ne cessant de repousser le moment de commencer… Mais tout a bien sûr commencé. C’est toute la pertinence de leur travail que de parvenir avec brio à semer de l’impréparation avec une telle maîtrise longuement rodée. Ils insistent pour se demander s’ils vont démarrer ou non, et finalement ils se réjouissent de tout simplement “être là, ensemble…”, nous prenant à partie dans cette invite collective. Ils empoignent tout à rebours, les conventions du théâtre, le pourquoi de la scène et de la vie, et, dans leur art de durer sur le plateau comme si rien ne se À travers leurs onomatopées et leurs gestes qui consistent tout aussi bien à secouer une serpillière qu’à caresser la cuisse de son voisin, l’existence brille par une fausse vacuité ainsi qu’un époustouflant illogisme où se logent des variations essentielles sur “l’être ensemble”. À ces jongleries habiles de sons, de dialogues inachevés et de quiproquos succèdent de délirantes cascades burlesques qui mettent la scène sens dessus dessous. Les objets volent comme les mots et, après un retournement physique – les spectateurs changeant de place –, surgissent des monologues irrésistibles et poétiques, qui transforment le presque rien en grand partage. Au final, les cinq compagnons de bistrot en leur échange anarchique nous apostrophent à travers Onomatopée avec drôlerie, réclamant une libre création et le renversement des conventions, qu’il s’agisse de vivre ou de faire du théâtre. Émilie Darlier [Photos © Sanne Peper] |
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