Nuit d’été loin des Andes ou dialogues avec mon dentiste auThéâtre des Déchargeurs
A l’intérieur de cette petite salle du théâtre des Déchargeurs se trouve une ambiance dans laquelle on se plonge volontiers, un lundi soir d’hiver. Un agréable cocon aux lumières chaudes où une femme exilée nous retrace sa quête d’un « destin extraordinaire », de Buenos Aires à Paris. De petits drames en situations cocasses, Susana Lastreto nous révèle l’émotion que peuvent connaître ces êtres qui ont quitté leur pays d’origine pour arriver dans un autre univers. De ce dernier elle nous livre l’étrangeté que nous ne pouvons pas forcément déceler, ainsi qu’une passion certaine du théâtre et des lettres, quelles qu’elles soient. C’est ainsi que nous partageons la solitude spartiate d’une chambre de bonne, présentée comme le lot commun des étrangers, ainsi que des histoires de couples parfois tristes mais si joliment racontées, en passant par les jobs précaires et les galères administratives qui accompagnent « l’intégration ». Un dentiste personnalisé par une lampe de bureau, une bandonéoniste qui fait office de chat, un contrôleur de métro et autres personnalités cocasses font office d’interlocuteurs et participent à l’univers décalé et farfelu qu’est celui de Susana Lastreto et qui lui permet d’exprimer sa sensibilité.
Cet enchaînement de morceaux de quotidien est enveloppé d’un halo poétique où le chant n’hésite pas à provoquer de légers interludes, tandis que le son du bandonéon nous offre les effluves d’un pays lointain, rehaussées par des accents chantants d’un autre monde. De plus, notre imagination est mise à l’épreuve, encouragée, dans ce spectacle qui tend à faire tomber le voile préexistant entre la scène et le public, car la protagoniste n’hésite pas à intégrer son public dans ses réflexions.
Certaines problématiques abordées parviennent à toucher le spectateur, que seule une personne loin de sa terre d’asile est à même d’avoir vécu : la cristallisation des moments passés qui laisse figés les personnages aimés, la crainte de ne jamais retrouver une vie passée telle qu’on l’a laissée, l’impression de ne plus pouvoir réellement être chez soi quelque part.
Tandis que d’autres sentiments universels tels que la solitude, la vie de couple ou de famille, sont exploités dans ce spectacle à travers un regard dont l’excentricité ne fait que mettre en valeur la justesse et la lucidité de l’observation.
Un spectacle chaleureux, en somme, dans lequel l’émotion côtoie sans cesse le sourire.
Sophie Thirion
Entretien avec Susana Lastreto et Annabel de Courson :
Retracez-nous l’histoire de ce spectacle …
Il s’agit originellement de plusieurs textes dont le thème était relatif à une nuit d’été. Il a été transformé au cours du temps, et l’histoire de sa version définitive commence en 2005, au théâtre du petit chien à Avignon. Nous l’avons ensuite mis en scène à l’Atalante en 2007. Entre deux s’est déroulée une tournée internationale où nous avons parcouru la Bolivie, l’Argentine, le Mexique, le Venezuela et l’Espagne.
Vous avez donc joué une pièce traitant de l’immigration dans des pays très différents. Comment avez-vous perçu les différences de points de vue pouvant s’opérer entre ces publics ?
L’originalité de la pièce tient à ce qu’elle s’adresse à trois sortes de publics différents, qui sont réceptifs, chacun, à leur manière : les immigrés qui ont connu le sentiment d’exil, les natifs qui voient ainsi leur pays sous un autre angle, et ceux venant d’ailleurs, et qui y sont restés, qui peuvent ainsi comprendre leurs familles et amis qui sont partis là-bas.
Nous n’avons pas transformé la pièce qui peut être lue telle quelle par ces différents points de vue, si ce n’est les personnalités que nous faisons intervenir. Par exemple, nous avons remplacé Jack Lang, qui intervient dans la version française, par une personnalité connue en Amérique du sud.
Cette pièce est-elle entièrement autobiographique ?
En partie, bien sûr, mais toutes les anecdotes auxquelles je fais allusion ne le sont pas. Seulement, si ce ne sont pas toujours mes souvenirs qui sont retracés ici, ceux sont ceux d’autres personnes.
Nuit d’été loin des Andes…
Du 31 août au 14 Décembre 2009
Les Lundis à 20h / salle Vicky messica
Théâtre les Déchargeurs
3, rue des déchargeurs
75001 Paris
m°Châtelet
Réservations
0 892 70 12 28
Articles liés
“Tant pis c’est moi” à La Scala
Une vie dessinée par un secret de famille Écrire un récit théâtral relatant l’histoire d’un homme, ce n’est pas seulement organiser les faits et anecdotes qu’il vous transmet en une dramaturgie efficace, c’est aussi faire remonter à la surface...
“Un siècle, vie et mort de Galia Libertad” à découvrir au Théâtre de la Tempête
C’est Galia Libertad – leur amie, leur mère, leur grand-mère, leur amante – qui les a réunis pour leur faire ses adieux. Ce petit groupe d’amis et de proches, trois générations traversées par un siècle de notre histoire, se retrouvent...
“Chaque vie est une histoire” : une double exposition événement au Palais de la Porte Dorée
Depuis le 8 novembre, le Palais de la Porte Dorée accueille une double exposition inédite, “Chaque vie est une histoire”, qui investit pour la première fois l’ensemble du Palais, de ses espaces historiques au Musée national de l’histoire de...