Norma Jeane – Théâtre des Deux Rêves
5 août 1962… quartier paisible de Brentwood à Los Angeles…
Norma Jeane dite Marilyn Monroe… 36 ans !
La pièce de Pierre Glénat Norma Jeane s’intéresse au dernier mois de la vie de Marilyn Monroe. « Simplement parce que Marylin, elle, n’a pas de destin alors que Norma en a un ! » indique l’auteur inspiré par Marilyn, dernières séances, le roman de Michel Schneider paru aux éditions Grasset ( Prix Interallié 2006).
Sur l’histoire de Norma Jeane, femme-enfant, vient un jour se greffer l’histoire d’une star hollywoodienne, Marylin. Ces deux visages qui n’en font qu’un forment l’argument principal du texte de Pierre Glénat qui a créé une « siamoiserie » qui laisse à voir combien sont fragiles les existences des artistes exposées sans contrefeux. Surtout si alcool et barbituriques se mettent à arbitrer leur fin de vie.
Le plateau quasi nu du Théâtre des Deux Rêves offre la possibilité de passer de la scène de music-hall à l’espace sans décor où Marylin Monroe vit ses derniers moments. Voilà qui rythme en deux temps comme en une unité voulue, ce qui d’un côté appartenait à la vie publique de l’artiste et de l’autre à sa vie privée.
Apparaît Norma Jeane Mortenson ou Norma Jeane Baker (comme indiqué sur son certificat de baptême) (interprétée par Sonia Hell) jeune femme sensible, fragile à laquelle une vie construite aurait pu apporter des réponses sur le quasi abandon du père, aussi absent que sa mère est skyzophrène, sur ses mariages, sur sa vie de femme, sur ses doutes et autres de ses interrogations.
Le temps d’une chanson dans une virtuelle émotion
Jane Russel sur le tournage de Les Hommes préfèrent les blondes, réalisé par Howard Hawks, décrivait sa partenaire comme « très timide, très douce et très intelligente ». Arrive Marylin (Luana Kim) personnifiant l’irréalité, elle bouscule la vérité, sa vérité. Elle chante mais le spectateur n’est pas dupe et voit bien qu’elle se réfugie le temps d’une chanson dans une virtuelle émotion. Il faut noter la prestation de Luana Kim, comédienne et chanteuse, polyvalente, cosmopolite et polyglotte (et rôle titre dans « derniers jours de Marie-Antoinette » de Jürgen Wönne). Elle incarne une Marylin nature d’autant qu’elle donne actuellement un spectacle de ses chansons dans les cabarets-théâtres de France et d’Allemagne.
Dans ce jeu transactionnel où s’invite la psychanalyse en la personne du docteur Greenson interprété par Pierre Glénat, on se souviendra des images de Patrick Jeudy revenant sur les secrets et les souffrances de Marilyn Monroe, récoltés par son psychanalyste, Ralph Greenson. Lui qui fut la dernière personne à l’avoir vue vivante et qui découvrit son corps. Comme dans « Norma Jeane » le film explique la relation ambiguë entre l’actrice et son psychanalyste de janvier 1960 au 4 août 1962, lorsque la star est retrouvée morte. Le film est également adapté du roman de Michel Schneider déjà cité. Marilyn, seule et déprimée, multiplie les séances quotidiennes, appelle Greenson plusieurs fois par jour.
Pierre Glénat le raconte et incarne ce psychanalyste qui outrepasse sa fonction et s’immisce dans la vie professionnelle de la comédienne Glénat (comédien, auteur, scénariste, metteur en scène) endosse la blouse du psychanalyste dont la nervosité jouée laisse entrevoir sans caricature un praticien pas mal dérangé du cerveau. Lorsque le comédien revient en fin de partie, méconnaissable, en agent du FBI, le spectateur comprend que P. Glénat s’accommode de la variation des registres.
Suivre avec passion ce destin tragique à travers les deux « Marylin »
Restent la relation de Norma avec sa demi-sœur (re- Sonia Hell) et avec Eunice Murray, la gouvernante engagée à la demande du docteur Greenson (M. Christine Glénat, ex danseuse classique de la quadrille de Nogent s/ Marne, a tout compris de son rôle)
Tour à tour demi-sœur et Norma Jeane, Sonia Hell apporte de la fraîcheur au personnage central qui aurait pu sombrer dans le pathétique. Cette ancienne des conservatoires de Mulhouse et Strasbourg, qui a joué pour DG Gabilly, Aurélien Recoing et Daniel Mesguich et au cinéma, entre autres dans « l’affaire Villemin », « un prophète » de Jacques Audiard, « Munich » de Steven Spielberg, reste fragile comme ne pouvant rattraper l’irréparable. Elle donne cette impression que Marylin ne meurt pas mais qu’elle assassine Norma, et, dans ce jeu rentré, la comédienne demeure sobre sans excès.
On a bien fait de créer le personnage de l’homme en noir. Comme le cocher de la charrette fantôme (Julien Duvivier) Robert Aburbe, envoûtant, annonce la mort prochaine de Marylin. Il pose sa voix comme un violoncelliste s’accorde au La du diapason et il ne quitte pas cet octave qui apporte ce qu’il faut de sérénité et de gravité pour modeler un énigmatique oiseau de mauvais augure. Lui, l’ancien du conservatoire de Marseille, passé cascadeur chez Yvan Chiffre, qui a joué avec J. Piat, M. Robinson, J.P. Coff et pour J. Tardieu ou encore pour R. Hossein, rythme son rôle avec la précision du métronome.
Pour Rubia Matignon, qui signe la mise en scène, c’est sa deuxième rencontre avec Marylin Monroe, elle qui avait joué Rosa Luxembourg dans « Etoiles rouges » de Pierre Bourgeade dans laquelle se rencontraient Marylin Monroe et Rosa Luxembourg. Il fallait suivre avec passion ce destin tragique à travers les deux «Marylin» aussi nous dit-elle « Dans ce lent chemin vers la mort, je me suis efforcée de rendre les personnages et les situations le plus vivant possible, de donner de la chair, du souffle, de la vie. Chaque tableau est monté comme une entité se suffisant à elle-même mais faisant partie d’un tout qui nous jette dans la vie intense jusqu’à la mort mythologique et à la naissance du mythe »
C’est justement là l’enjeu de la pièce de Glénat : et si derrière le mythe se blottissait Norma ?
Patrick DuCome
Norma Jeane
De Pierre Glénat
Mise en scène de Rubia Matignon
Avec Luan Kim (rôle et chansons de Marilyn Monroe), Sonia Hell (Norma Jeane et la Janet, demi-soeur de Marilyn). Marie Christine Glénat (gouvernante et amie) Robert Aburbe (Hadès, l’Homme en noir). Pierre Glénat, (le psy de Marilyn et l’agent du FBI.
Musique et composition : Luana Kim et Robert Aburbe // Arrangements : Robert Aburbe
Jusqu’au 5 août 2012
Vendredis et samedis à 19h30
Dimanche à 15h30
Relâche le samedi 14 juillet
Théâtre des Deux Rêves
5, Passage de Thionville
75019 Paris
M° Laumière ou Crimée
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