Paul, Rigal, Millepied, Lock : quatre chorégraphes en déséquilibre
Nicolas Paul, Pierre Rigal, Benjamin Millepied, Édouard Lock Avec les étoiles et le ballet de l’Opéra de Paris Le 9, 13, 16 et 20 février à 19h30, le 14 à 14h30 et 20h Tarifs : 10 à 85 € Réservation en ligne ou par tél. au 08 92 89 90 90 Durée : 2h30 Palais Garnier M° Opéra |
Jusqu’au 20 février 2015
Neuf étoiles, quatre chorégraphes stars de la danse contemporaine, il fallait au moins cela pour les deux créations et les deux reprises présentées en ce moment au Palais Garnier. Répliques de Nicolas Paul et AndréAuria d’Édouard Lock avaient été créées il y a quelques années tandis que le touche-à-tout multicarte Pierre Rigal, qu’on a vu évoluer dans le cirque et le hip-hop, s’attaque au Salut des danseurs. Cadeau à l’étoile la plus populaire Aurélie Dupont, qui fera ses adieux au mois de mai dans L’Histoire de Manon, Together alone est un duo d’amour langoureux et sensuel signé par Benjamin Millepied. Répliques à travers le miroir Dans un décor crépusculaire de fin du monde, conçu par l’architecte Paul Andreu, la musique entêtante de Gyorgy Ligeti impulse une énergie follement répétitive aux corps mécanisés des danseurs. Animés par une rythmique de l’ivresse, aux sonorités stridentes et violentes, les silhouettes fragiles et puissantes de Nicolas Paul se brisent et tressaillent, dévoilées par des tuniques fluides, happant l’espace dans une quête effrénée du geste juste, vrai, comme à la recherche de la mémoire intemporelle des hommes. Entre oppression et libération, le spectateur est pris par la fascinante précision corporelle des danseurs. Rigal déshabille les danseurs au salut C’est à une véritable cérémonie à l’envers à laquelle nous assistons, médusés par le fait de voir un spectacle en commençant par la fin. Idée formidable de Pierre Rigal, qui se joue du cérémonial en s’inspirant du ballet baroque qu’il déconstruit petit à petit, pirouettes allant jusqu’au grotesque, renversant les danseurs cul par dessus tête, les tutus sur le chef ou à la manière d’une crête d’oiseau. Tout dans ce spectacle a été imaginé de concert : les lumières (Urs Schönebaum) qui passent du jaune citron (matin) à l’orangé d’un crépuscule, les costumes (Roy Genty) stylisés blanc et noir, tous différents, qui gainent les corps et dégainent bras et jambes, la bande son (Joan Cambon) qui mêle applaudissements fortissimo, soupirs diminuendo et mix de Rameau et de Lully en techno rock. Fasciné par la perfection classique des danseurs, Rigal la déconstruit et les interprètes se prêtent vaillamment au jeu du chaos, de l’affaissement, de la brisure, jusqu’à adopter des postures d’insectes, de cloportes liquéfiés par le retour à la nature. Le cinéma halluciné de Lock Edouard Lock aime le noir et blanc, le cinéma et le désir prédateur des grandes métropoles qui sont les nôtres. Sa danse agit comme une décharge électrique, une mise en tension permanente, quasi risquée, qui exige des danseurs une mise en danger perpétuelle avec en même temps un abandon lascif. Hommes en costumes, femmes en justaucorps sophistiqué mais les jambes nues habillés de pointes, qui strient l’espace, comme d’immenses aiguilles, et découpent le temps. Des pointes classiques, Lock garde l’essentiel, une violence à la précision chirurgicale, pour mieux projeter les corps à l’horizontale, hors cadre, alors que la musique de David Lang, martelée par deux pianistes sur scène, imprime son tempo infernal. La virtuosité des interprètes, qui n’oublient pas d’être des acteurs du drame, est éblouissante. Together alone ou le calme après la tempête Benjamin Millepied a imaginé un duo d’amants en jean et en tee shirt, d’une simplicité harmonieuse, où la sensualité, la douceur et la grâce impriment à la partition de Philip Glass, jouée en direct au piano, un charme adolescent. Portés dans l’équilibre de la lenteur, arabesques voluptueuses, fluidité des mouvements déroulent avec une belle sensualité cette romance où Aurélie Dupont, en reine de la maîtrise et de la féminité, est solaire. Ce moment de calme et de douceur, plus classique, constitue aussi une belle respiration. Un bien beau programme ! Hélène Kuttner [Crédit photos © Agathe Poupenay] |
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