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“Névrotik-Hôtel” : Michel Fau en divine diva aux Bouffes du Nord

Dans un hôtel kitsch de Normandie, l’acteur et metteur en scène Michel Fau se joue de toutes nos névroses amoureuses en tombant sous le charme ténébreux d’un groom acrobatique. Chansons coquines et orchestration efficace, la séduction travestie est délirante et tragique grâce au talent immense de l’acteur.

Bête de scène

Michel Fau est une bête de scène, un monstre de comédie qui n’aime rien tant que le faux et le factice, le masque et le maquillage, comme pour mieux dissimuler une brisure tragique qu’il trimballe depuis maintenant plusieurs décades. Il y a plus de 20 ans, en 1997, on se souvient qu’il interprétait avec une puissance et un désespoir brûlants l’une des toutes premières pièces de Christian Siméon, Hyènes. Le choc tenait autant du texte fulgurant de Siméon, qui signe aussi les croustillants dialogues de ce spectacle, que du jeu de l’acteur, vrillant entre tragique et ridicule assumé. Faisant frémir et rire les spectateurs.

Fantasme total

© Marcel Hartmann

Bâti sur la trame personnalisée d’un fantasme total, Névrotik-Hôtel fait apparaître l’acteur en diva de la côte normande débarquant dans un palace kitsch à souhait, décor rose bonbon d’Emmanuel Charles, dans une robe de satin vert amande et perché sur des sandales dorées. Naturellement, la perruque est blonde platine, la poitrine avantageuse et les bagues aussi voyantes que celles de la Castafiore dans Tintin. C’est Jacqueline Maillan qui débarque à Deauville dans le comble d’un mauvais goût tape-à-l’œil et qui engueule la réceptionniste de ne pas avoir fait monter ses valises. Le groom, joué avec subtilité par le comédien gymnaste Antoine Kahan, devient naturellement son “boy” à tout faire et son objet amoureux. Le jeune homme n’aura qu’à bien se tenir et endosser les rôles successifs de marin, de chevalier ou d’otage, à la merci d’une maîtresse aussi riche qu’exigeante qui veut qu’on l’aime pour son argent.

Chansons coquines

Autoritaire, décadente, injuste et capricieuse, Miss Margaret alias Margarine fait valser, par le comique des situations et des chansons, tous les clichés du boulevard et du mélodrame que Michel Fau affectionne par-dessus tout, maniant l’outrance et la démesure d’un virtuose des planches. Côté musique, Mathieu El Fassi au piano, Laurent Derache à l’accordéon et Lionel Allemand au violoncelle accompagnent les comédiens lorsqu’ils se mettent à chanter, voix parfois éraillée et décalée, les chansons de Michel Rivgauche, célèbre parolier d’Édith Piaf, de Dalida ou d’Yves Montand, sur une musique de Jean-Pierre Stora. Le Printemps dans le Sussex, À quoi ça tient un amour, Un Loft avec vous ou Coup de foudre sur la montagne constituent quelques-uns des textes délicieusement nostalgiques qui émaillent le spectacle. Ils révèlent aussi, sous le masque parodique de la diva capricieuse, une dimension totalement attachante et dramatique du personnage cabot et insensé créé par Michel Fau. En cela, la réussite est heureuse.

Hélène Kuttner 

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