“Neige” : un rêve de théâtre à la Colline
Pauline Bureau, autrice et metteure en scène à l’imaginaire puissant, s’installe avec sa compagnie La part des anges au Théâtre de la Colline avec son dernier opus, “Neige”, un conte fantastique en miroir de celui des contes des frères Grimm. Une scénographie somptueuse, des effets sidérants de magie nouvelle et une histoire de révélation à soi d’une adolescente de 14 ans, autant d’atouts pour un spectacle contemporain et onirique qui fera le grand bonheur de tous les publics à partir de 10 ans.
Fugue
Neige a 14 ans, une mère envahissante et aussi imposante qu’elle même est minuscule et fragile. Camille Garcia, jeune comédienne à la plasticité physique et vocale étonnante, incarne cette adolescente saisie par la révolte face aux diktats d’une maîtresse de maison impeccablement vêtue de blanc, que campe admirablement Marie Nicolle. Lever la jambe plus haut au cours de danse classique, se mettre plus rapidement à ses évaluations de mathématiques, éviter de se maquiller et de porter des jupes trop courtes : autant de remarques d’une mère, un tantinet jalouse, qui sème un vent de révolte et de colère dans le cœur d’une gamine avide de liberté et de rêves. La maison de Neige est une boite blanche au design épuré, capable de se transformer rapidement en un autre lieu. Avec son tutu de danseuse et ses godillots d’ado, Neige traverse le temps et l’espace et la somptueuse forêt, peuplée de loups et de biches, emplie d’une végétation énigmatique et luxuriante, fait son apparition.
Danger
Pauline Bureau et sa scénographie Emmanuelle Roy, avec la collaboration de Clément Debailleul pour les vidéos et les effets de magie nouvelle, créent un univers d’une beauté somptueuse, emplissant le théâtre entier d’images végétales, faisant apparaître comme par magie et avec une folle élégance des loups et des biches qui traversent une forêt dense et feuillue, véritable univers où la peur va changer de camp. Car c’est pour se retrouver, pour exister et pour découvrir le monde, que Neige va fuguer et retrouver ses camarades de la forêt pour des jeux dangereux. Anthony Roulier et Claire Toubin sont les jeunes gens qui vont l’initier aux mystères de l’inconnu grâce à des expériences initiatiques et à une plongée dans une citerne d’eau. Sur le mur de ce puits d’eau bétonné, des images de plongeurs aquatiques renvoient aussi au rêve matriciel des origines, dans des lumières aux teintes organiques et une bande son qui oscille entre rock et électronique.
Un chasseur bienveillant
Et c’est la rencontre avec un chasseur, incarné par Régis Laroche, ex-cadre de l’industrie agro-alimentaire reconverti dans la vie sauvage, adepte d’une écologie vitale, à l’écoute du silence et des paroles des arbres, que la jeune fille va se réconcilier avec elle-même. Le chasseur bienveillant et sage devient donc un guide pour Neige, mais aussi un vieux camarade de collège de sa mère qui retrouve aussi, en allant à sa rencontre, une part de son existence aujourd’hui broyée par le travail. Navigant entre fantastique et réalité, le spectacle fait aussi apparaître un père dépassé, Yann Burlot, et une inspectrice de police perspicace, Claire Toubin, partis à la recherche de la jeune fugueuse. Neige nous prend par la main et emporte les spectateurs dans une histoire à l’universalité merveilleuse, celle de chacun de nous pris dans l’étau du réel, soumis aux fantasmes de ceux qui nous entourent et avides d’un désir partagé par tous, celui de réinventer nos vies. Il y a de la magie dans ce spectacle.
Hélène Kuttner
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