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Ned Grujic : « C’est le plateau qui a raison »

2 juillet 2015
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Ned Grujic : « C’est le plateau qui a raison »

Ned est aujourd’hui un metteur en scène incontournable dans le domaine du théâtre musical qui nous vient de Broadway (Fame, Hair, Hairspray, Frankenstein Junior, Shrek…).

Côté création française, il n’est pas en reste puisque Amanda Sthers a fait appel à lui pour son spectacle Lili Lampion mis en musique par Sinclair. Il a même mis en scène le spectacle d’ouverture de la Semaine Française au Pavillon France de l’exposition universelle de Shanghai en 2010. Pourtant, à l’origine, Ned est un homme de théâtre. Il continue d’ailleurs dans ce registre avec sa compagnie les Tréteaux de la Pleine Lune (Roméo et Juliette, Sa Majesté des Mouches…).

Une question s’impose : Ned, qu’est-ce qu’un metteur en scène ?

Vaste question ! Pour moi, c’est un capitaine de navire. C’est celui qui apporte une vision, une conception du spectacle, une manière à la fois esthétique, psychologique, physiologique, politique…de l’appréhender. C’est donc aussi un créateur d’ambiance, un créateur de ligne. Concrètement, il dirige les acteurs comme il dirige le travail avec le scénographe, le costumier, le créateur lumière, le créateur son, le décorateur… Il fait en sorte que tous les postes créatifs, dont les comédiens, convergent vers une même ligne et une même direction.

Le BA-ba d’une mise en scène ?

« Les idées, c’est dans le texte qu’on les puise » disait Strehler. Il faut travailler dans le texte. Jamais en parallèle sinon on se retrouve à côté. On n’a rien à lui apporter, sinon le servir. Alors, plus j’avance dans ce métier, plus je me demande comment on peut avoir de l’ego en mettant en scène. Me semble-t-il, plus les pressions sont fortes et plus on se dit qu’on n’a rien appris et qu’on redémarre à zéro. Ce n’est pas de la fausse modestie. C’est le plateau qui a raison, car ce sont les comédiens qui vont s’emparer du texte. Pour un musical, directeur vocal et directeur musical doivent être en phase avec la théâtralité car ici, le jeu passe aussi dans le chant. Pour la chorégraphie, c’est pareil. Chaque chose doit être le prolongement de l’autre. Il faut de la cohérence et aucun décrochage entre les scènes.

Quelle est la différence entre la mise en scène et la scénographie ?

Le scénographe invente un espace pour que les choses se passent dramaturgiquement. Il propose une architecture de l’espace. Un metteur en scène n’est pas scénographe. Il ne fait que lui donner la direction et avance avec lui. Un décorateur peut être scénographe. Par exemple, si une scène se passe dans un appartement, le décorateur crée un appartement. Pour 50 et des nuances, je désirais un espace plus onirique. Là, la scénographie réside en un grand cadre à travers lequel passent les personnages.

 
Comment un metteur en scène se choisit-il ?

Soit la production en rencontre plusieurs, ça peut arriver, soit elle sait déjà avec qui elle veut travailler. Dans les deux cas, le but est de trouver celui qui est à même de correspondre le mieux au spectacle et au cahier des charges. Certains directeurs de théâtre ont leur metteur en scène attitré. Ça les rassure et c’est souvent un problème générationnel.

Le metteur en scène choisit-il son équipe librement ?

Ça dépend. Certaines production ont déjà leur équipe. Mais ce n’est pas l’idéal car un metteur en scène construit aussi sa carrière avec une équipe. Retrouver ceux avec qui on collabore régulièrement ou choisir tel ou tel collaborateur pour sa spécificité est bien plus confortable.

Le casting est-il fait par metteur en scène ?

En comédie musicale, il est fait par le metteur en scène, le directeur musical et le chorégraphe. Aussi est-ce long souvent compliqué à organiser. Pour 50 et des nuances, mon envie n’a pas été de faire une comédie musicale à l’américaine mais du théâtre avec des chansons dedans. J’ai eu des idées très précises pour les comédiens… que j’ai appelés directement. L’idée était de prendre de vrais comédiens qui sont aussi de bons chanteurs car Il y a une vraie dramaturgie et de vrais personnages même si on est dans le décalage plus total puisque c’est une parodie.

Quelles sont vos particularités en tant que metteur en scène ?

Pour ce qui est musical, je suis connu pour travailler dans l’esprit de décalage et dans la comédie musicale parodique. Mais je ne suis pas que ça… J’ai besoin de me confronter à plusieurs formes artistiques. Aussi, quand j’ai un projet théâtral qui me tient à cœur, je le monte avec ma compagnie car, pour l’instant, même si mon nom circule bien dans le milieu de la comédie musicale -et je ne vais pas m’en plaindre car les temps sont durs-, j’aimerais qu’on me reconnaisse aussi en tant que metteur en scène de théâtre. Ça commence un peu, mais tout doucement… je n’en suis qu’aux rencontres. Il faut dire que le monde des productions est vraiment scindé en deux. Notre pays n’a pas de vraie tradition musicale, même si ça commence à venir, et le théâtre boude un peu ce genre. Donc, pour l’instant, c’est dur d’évoluer dans les deux domaines.

Qu’est-ce qui a fait qu’un jour vous vous êtes dit, je veux devenir metteur en scène ?

Ça ne s’est pas passé comme ça du tout ! Je me suis toujours vu dans le théâtre ou le cinéma. Je crois sincèrement que c’était dans mes tripes. Je devais avoir ça en moi dès la naissance. Voulez-vous une anecdote ? Quand ma mère était enceinte de moi, elle ne pouvait plus aller au cinéma tant je bougeais dans tous les sens chaque fois qu’elle entrait dans la salle. Plus tard, je me suis vite rendu compte que je ne serai jamais Laurence Oliver  et quand, j’avais alors 19 ans, un collège m’a proposé de donner des cours de théâtre, j’ai pu expérimenté la mise en scène sur le tas. C’est comme ça que j’ai fait mes armes. Heureusement pour moi car, en France, il n’y a pas de formation à la mise en scène. Il aurait fallu que j’aille aux USA, en Grande Bretagne ou dans un pays de l’Est, comme la Serbie dont je suis originaire. En France, on commence généralement en devenant assistant d’un metteur en scène reconnu.

Qu’est-ce qui vous attire particulièrement dans la mise en scène ?

J’ai commencé en tant qu’acteur et le suis toujours même si ce n’est plus mon métier. Diriger les comédiens me permet de m’investir dans chaque rôle. Je leur insuffle les rêves, envies et passions des personnages et les guide pour qu’ils en soient le prolongement. Bien sûr, le comédien apporte sa pierre à l’édifice mais pour moi, c’est comme si je jouais chaque rôle ! Aussi, regarder un spectacle que je mets en scène est-il très éprouvant car je suis aussi essoufflé que si je l’avais joué de A à Z !

Quel est votre meilleur souvenir ?

Un truc bon pour mon ego (rire) : des amis de Mel Brooks ont vu ma mise en scène de Frankenstein Junior. Ils l’ont trouvée géniale et l’ont dit à Mel Brooks.. qui l’a répété dans une interview à Télérama. J’étais super fier !

Caroline Fabre

[Photo : Ned Grujic – credit : Mirco Magglioca]

Côté création française, il n’est pas en reste puisque Amanda Sthers a fait appel à lui pour son spectacle Lili Lampion mis en musique par Sinclair. Il a même mis en scène le spectacle d’ouverture de la Semaine Française au Pavillon France de l’exposition universelle de Shanghai en 2010. Pourtant, à l’origine, Ned est un homme de théâtre. Il continue d’ailleurs dans ce registre avec sa compagnie les Tréteaux de la Pleine Lune (Roméo et Juliette, Sa Majesté des Mouches…).

Une question s’impose : Ned, qu’est-ce qu’un metteur en scène ?

Vaste question ! Pour moi, c’est un capitaine de navire. C’est celui qui apporte une vision, une conception du spectacle, une manière à la fois esthétique, psychologique, physiologique, politique…de l’appréhender. C’est donc aussi un créateur d’ambiance, un créateur de ligne. Concrètement, il dirige les acteurs comme il dirige le travail avec le scénographe, le costumier, le créateur lumière, le créateur son, le décorateur… Il fait en sorte que tous les postes créatifs, dont les comédiens, convergent vers une même ligne et une même direction.

Le BA-ba d’une mise en scène ?

« Les idées, c’est dans le texte qu’on les puise » disait Strehler. Il faut travailler dans le texte. Jamais en parallèle sinon on se retrouve à côté. On n’a rien à lui apporter, sinon le servir. Alors, plus j’avance dans ce métier, plus je me demande comment on peut avoir de l’ego en mettant en scène. Me semble-t-il, plus les pressions sont fortes et plus on se dit qu’on n’a rien appris et qu’on redémarre à zéro. Ce n’est pas de la fausse modestie. C’est le plateau qui a raison, car ce sont les comédiens qui vont s’emparer du texte. Pour un musical, directeur vocal et directeur musical doivent être en phase avec la théâtralité car ici, le jeu passe aussi dans le chant. Pour la chorégraphie, c’est pareil. Chaque chose doit être le prolongement de l’autre. Il faut de la cohérence et aucun décrochage entre les scènes.

Quelle est la différence entre la mise en scène et la scénographie ?

Le scénographe invente un espace pour que les choses se passent dramaturgiquement. Il propose une architecture de l’espace. Un metteur en scène n’est pas scénographe. Il ne fait que lui donner la direction et avance avec lui. Un décorateur peut être scénographe. Par exemple, si une scène se passe dans un appartement, le décorateur crée un appartement. Pour 50 et des nuances, je désirais un espace plus onirique. Là, la scénographie réside en un grand cadre à travers lequel passent les personnages.

 
Comment un metteur en scène se choisit-il ?

Soit la production en rencontre plusieurs, ça peut arriver, soit elle sait déjà avec qui elle veut travailler. Dans les deux cas, le but est de trouver celui qui est à même de correspondre le mieux au spectacle et au cahier des charges. Certains directeurs de théâtre ont leur metteur en scène attitré. Ça les rassure et c’est souvent un problème générationnel.

Le metteur en scène choisit-il son équipe librement ?

Ça dépend. Certaines production ont déjà leur équipe. Mais ce n’est pas l’idéal car un metteur en scène construit aussi sa carrière avec une équipe. Retrouver ceux avec qui on collabore régulièrement ou choisir tel ou tel collaborateur pour sa spécificité est bien plus confortable.

Le casting est-il fait par metteur en scène ?

En comédie musicale, il est fait par le metteur en scène, le directeur musical et le chorégraphe. Aussi est-ce long souvent compliqué à organiser. Pour 50 et des nuances, mon envie n’a pas été de faire une comédie musicale à l’américaine mais du théâtre avec des chansons dedans. J’ai eu des idées très précises pour les comédiens… que j’ai appelés directement. L’idée était de prendre de vrais comédiens qui sont aussi de bons chanteurs car Il y a une vraie dramaturgie et de vrais personnages même si on est dans le décalage plus total puisque c’est une parodie.

Quelles sont vos particularités en tant que metteur en scène ?

Pour ce qui est musical, je suis connu pour travailler dans l’esprit de décalage et dans la comédie musicale parodique. Mais je ne suis pas que ça… J’ai besoin de me confronter à plusieurs formes artistiques. Aussi, quand j’ai un projet théâtral qui me tient à cœur, je le monte avec ma compagnie car, pour l’instant, même si mon nom circule bien dans le milieu de la comédie musicale -et je ne vais pas m’en plaindre car les temps sont durs-, j’aimerais qu’on me reconnaisse aussi en tant que metteur en scène de théâtre. Ça commence un peu, mais tout doucement… je n’en suis qu’aux rencontres. Il faut dire que le monde des productions est vraiment scindé en deux. Notre pays n’a pas de vraie tradition musicale, même si ça commence à venir, et le théâtre boude un peu ce genre. Donc, pour l’instant, c’est dur d’évoluer dans les deux domaines.

Qu’est-ce qui a fait qu’un jour vous vous êtes dit, je veux devenir metteur en scène ?

Ça ne s’est pas passé comme ça du tout ! Je me suis toujours vu dans le théâtre ou le cinéma. Je crois sincèrement que c’était dans mes tripes. Je devais avoir ça en moi dès la naissance. Voulez-vous une anecdote ? Quand ma mère était enceinte de moi, elle ne pouvait plus aller au cinéma tant je bougeais dans tous les sens chaque fois qu’elle entrait dans la salle. Plus tard, je me suis vite rendu compte que je ne serai jamais Laurence Oliver  et quand, j’avais alors 19 ans, un collège m’a proposé de donner des cours de théâtre, j’ai pu expérimenté la mise en scène sur le tas. C’est comme ça que j’ai fait mes armes. Heureusement pour moi car, en France, il n’y a pas de formation à la mise en scène. Il aurait fallu que j’aille aux USA, en Grande Bretagne ou dans un pays de l’Est, comme la Serbie dont je suis originaire. En France, on commence généralement en devenant assistant d’un metteur en scène reconnu.

Qu’est-ce qui vous attire particulièrement dans la mise en scène ?

J’ai commencé en tant qu’acteur et le suis toujours même si ce n’est plus mon métier. Diriger les comédiens me permet de m’investir dans chaque rôle. Je leur insuffle les rêves, envies et passions des personnages et les guide pour qu’ils en soient le prolongement. Bien sûr, le comédien apporte sa pierre à l’édifice mais pour moi, c’est comme si je jouais chaque rôle ! Aussi, regarder un spectacle que je mets en scène est-il très éprouvant car je suis aussi essoufflé que si je l’avais joué de A à Z !

Quel est votre meilleur souvenir ?

Un truc bon pour mon ego (rire) : des amis de Mel Brooks ont vu ma mise en scène de Frankenstein Junior. Ils l’ont trouvée géniale et l’ont dit à Mel Brooks.. qui l’a répété dans une interview à Télérama. J’étais super fier !

Parlez-nous de 50

Trois femmes quadra se retrouvent dans une soirée entre copines et échangent sur des livres qu’elles ont lus. C’est sur 50 nuances de Grey qu’elles vont accrocher. Le public assiste à leur lecture et à leurs commentaires car elles ont un regard à la fois critique et admiratif. Petit rappel, le livre raconte l’histoire d’une petite vierge de 22 ans qui se fait déflorer par un homme d’affaires sublime de 28 ans qui sait tout faire, jouer du piano comme un grand artiste, piloter des hélicoptères, des yachts… mais… car il y a un mais, qui ne peut faire l’amour qu’en faisant mal  car il a été adopté et formé au SM par une femme de 40 ans quand il en avait 20. Que de clichés ! Pourtant, cela devient génial et très drôle si on le lit au second degré. Je pense que ce spectacle s’adresse à la fois à ceux qui ont aimé le livre et à ceux qui n’ont pas eu envie de le lire. Les premiers vont peut-être découvrir un second degré qu’ils ne soupçonnaient pas. Les autres apprécieront sans doute cette espèce de double lecture. Dans les deux cas, ils vont rire !

Caroline Fabre

[Photo : Ned Grujic – credit : Mirco Magglioca]

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