Nathalie Pioger : “Depuis toute petite, je suis une porteuse et une partageuse d’histoires”
Comédienne et enseignante dans l’Orne, rencontre avec Nathalie Pioger, artiste éclectique et passionnée. Elle nous raconte son parcours et nous présente ses nombreux projets.
Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?
Je m’appelle Nathalie Pioger, je suis enseignante et comédienne. Le dénominateur commun depuis que je suis toute petite c’est que je suis une porteuse et une partageuse d’histoires et ce quel que soit le médium. Les médiums que j’utilise le plus sont le théâtre, la poésie, l’écriture ainsi que parfois, la peinture.
Quel est votre parcours professionnel ?
J’étais à l’école Normale dans les années 1980, j’appartenais à une compagnie de théâtre en même temps. J’ai arrêté pour suivre des études d’arts visuels à Paris. Avec le père de mes enfants et des amis australiens, nous avons monté un groupe de rock, The Debs – les débutants ; nous jouions dans les bars, dans le sud de la France pour gagner un peu d’argent. Cette expérience a été à la fois formatrice et fondatrice ; étant quelqu’un de réservée, je me suis retrouvée sur scène pour la première fois. Les membres du groupe étaient musiciens et chacun s’essayait à un nouvel instrument. Anna Jen était chanteuse australienne de jazz et de rock et elle s’était mise à la guitare. Son mari, lui, s’était mis à la guitare basse et Luc Churin qui était plutôt trompettiste, s’était essayé au clavier ; moi je chantais. Je prenais 3 heures de cours de chant particuliers par semaine. C’était absolument génial, je découvrais tout.
De retour de Paris avec le père de mes enfants, nous avons repris à trois une compagnie de théâtre à laquelle nous appartenions quand nous étions lycéens et ce avec Pierre Koenig qui était auteur, dramaturge et poète. Les années qui ont suivies ont été des années de formation bienveillante avec Luc Churin, comédien, metteur en scène et Pierre Koenig qui avait déjà beaucoup d’expériences théâtrales.
Comment décririez-vous votre univers artistique ? Quelles sont vos inspirations ?
J’ai des goûts très éclectiques mais j’aime les figures féminines. Je dessine des femmes de dos qui se protègent un peu du monde. La peinture de Georgia O’Keefe me touche beaucoup ; d’autre part, j’adore l’univers de Bram van Velde et l’abstraction figurative qui me laisse un grand espace de liberté pour faire venir à moi des paysages. Je trouve que la poésie est importante : elle est présente partout dans la vie en général, dans le vivant, dans les espaces naturels qui m’entourent. J’ai la chance d’habiter à la campagne, je suis connectée au vivant. J’aime également toutes les écritures narratives, je vais donc beaucoup au cinéma et je suis aussi spectatrice de théâtre. Je travaille également avec des plasticiens et des plasticiennes ; j’adore me plonger dans les univers d’autres personnes comme les metteurs en scène ou les directeurs artistiques. J’apprécie beaucoup le travail collégial.
Quelle est votre actualité ainsi que les projets à venir qui vous tiennent à cœur ?
J’aimerais avoir plus de temps. J’ai envie de recréer un spectacle jeune public de A à Z : les décors, la musique… pour que ce soit une forme mobile qui se joue auprès du jeune public. Je ne veux pas forcément le faire tourner dans des lieux institutionnels mais plutôt aller vers les enfants, dans les classes maternelles. C’est important !
J’ai déjà eu cette expérience, nous étions deux comédiennes, nous avions interprété le texte de Suzanne Lebeau La Lune entre deux maisons. Nous avions pu faire de nombreuses dates, ce qui m’a donné un peu plus confiance dans mon jeu de comédienne. La préparation de ce travail était réjouissante et nous a pris une année.
Comment réussissez-vous à combiner vos différentes missions ?
J’ai toujours été enseignante à temps partiel, ce qui me libérait un peu de temps. Nous avons créé pas mal de spectacles avec notre compagnie, nous jouions d’ailleurs au théâtre d’Alençon, où nous étions plusieurs semi-professionnels avec un autre métier à côté. Parmi nous, il y avait un metteur en scène et un dramaturge professionnels. Du coup nous avons beaucoup travaillé pendant les vacances, les week-ends. J’ai toujours partagé mon temps comme cela. Parfois, j’ai des petits rôles au cinéma, je participe à des créations avec le conservatoire et le théâtre. Je laisse donc les propositions arriver et je m’en saisis.
Qu’avez-vous entrepris culturellement pendant le confinement ?
J’ai une amie comédienne à Caen qui m’a proposé de faire des lectures poétiques au téléphone pour les personnes isolées. J’ai adhéré au projet. Les personnes pouvaient offrir un poème à quelqu’un qu’ils aimaient. D’autres voulaient rompre l’isolement et écouter de la poésie ; parmi elles se trouvaient des personnes relevant du champ du handicap de la Corne d’or, un centre d’art et foyer d’accueil. J’avais des rendez-vous hebdomadaires. Pour certains, c’était une initiation avec Prévert, Desnos, Obaldia… Je préparais en amont mes lectures.
Lors du deuxième confinement, j’ai participé à un projet avec l’école ICART. J’ai beaucoup aimé cette expérience parce que cela nous sortait de l’isolement artistique, humain et cela permettait de créer du lien. Il s’agissait de créer un écho à l’univers d’un jeune artiste réalisateur. La création est intergénérationnelle et nous nous enrichissons de l’univers des autres. Je trouve que le spectacle vivant élargit le spectre des possibles : rencontrer des univers artistiques différents, c’est ce que j’aime.
En ce moment, je propose des lectures poétiques dans des tiers-lieux, des associations, des lieux institutionnels… Plusieurs tiers-lieux naissent dans notre région avec une grande dynamique artistique et résidentielle. Par exemple, le Parc Normandie-Maine m’a demandé de proposer des lectures poétiques qui lie nature et culture pour le projet l’ABC Nature Culture. Un atlas va être créé dans les villages partenaires pour inventorier la faune et la flore. Nous allons donc déplacer la culture dans ces villages et y créer du lien. La préservation et la protection de la biodiversité me tiennent beaucoup à cœur.
Propos recueillis par Zoé Lavanant
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