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Myriam Georges Parisot : “J’aime rassembler et faire rencontrer les gens”

Elise Marchal 20 juin 2020
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© Sandrine Brouillaud

Autodidacte aux multiples facettes, Myriam Georges Parisot nous partage son univers bien rythmé, qui se veut à la fois philanthropique et créatif. 

Peux-tu nous en dire plus sur ton parcours et sur ce que tu fais en ce moment ?

Mon chemin de vie pour arriver à être comédienne a été assez long puisque je suis professionnelle seulement depuis 3/4 ans. Pourtant j’ai toujours fait du théâtre, quel que soit l’âge, je me retrouvais toujours là-dedans sans me poser de questions : c’était naturel. J’ai intégré des troupes, sans décider d’en faire directement mon métier. Je ne venais pas du milieu artistique et à 17 ans, j’ai eu peur, je n’étais pas prête. Après, la vie a fait que j’ai fait pleins d’autres choses, sauf du théâtre. Ensuite, j’ai recommencé en donnant des ateliers et en mettant en scène des amateurs.
En 2010, j’ai décidé de fonder l’Horrible Cie et une ludothèque, mais étant donné la charge de travail, j’ai décidé de me consacrer entièrement au théâtre, j’avais alors 45 ans. Je suis aussi metteure en scène pour l’Horrible Cie et selon les périodes, je travaille également comme comédienne sur d’autres projets. En ce moment, je suis sur une comédie avec la compagnie Regards de deux mains et je vais entamer des performances artistiques avec une plasticienne.

D’où te vient l’envie de créer ?

C’est grâce à mon travail avec les enfants, j’ai travaillé pendant plusieurs années dans une crèche, des écoles maternelles et primaires. C’est aussi grâce à mes propres enfants, ce sont eux qui m’ont poussé à créer.
Là où nous habitions à la campagne, il n’y avait pas d’activité culturelle extra-scolaire. J’ai alors fondé une association socio-culturelle avec d’autres parents et nous avons créé des événements, comme le carnaval par exemple ; c’était important pour moi que mes fils vivent ce genre d’expérience. J’ai alors commencé à faire des petits spectacles. J’en avais envie, de là j’ai pris confiance en moi. Puis il y a eu la reconnaissance, et la demande de plusieurs parents pour ouvrir un atelier théâtre avec leurs enfants. Les ateliers adultes ont suivi et je ne me suis plus jamais arrêtée.
Il y a toujours un retour positif de ceux que je mets en scène, de ceux avec qui je joue. À chaque fois, il y a quelque chose qui se passe et ça me donne envie de me lever le matin, ça me confirme aussi que je suis à la bonne place.

Peux-tu nous dire ce qui te plaît dans le monde du spectacle vivant ?

C’est la liberté. Il n’y a pas d’horaires, pas de routine, je peux travailler de jour comme de nuit, ce n’est jamais pareil. Je peux m’ouvrir à tout public, ça m’ouvre un large éventail de possibilités. C’est la création qui me plaît aussi, c’est une expression où je me retrouve et où je peux m’exprimer pleinement. Et puis on grandit, moi ça m’a fait et ça me fait grandir.

Quel est le rôle de l’art dans la société ?

L’art et notamment le théâtre est pour moi vital, je ne me vois pas faire autre chose, c’est ma personnalité, j’ai besoin d’en faire mais aussi d’en voir. Dans la société… d’après ce que j’ai entendu avec le confinement, il y a plein de gens à qui ça manque. Donc, je me dis qu’on a quand même de l’importance.
Je trouve que le fait de donner un spectacle, ça permet de rassembler des individus autour d’un même moment et ils peuvent ensuite en parler. D’après moi, c’est ça l’art, le pouvoir de rassembler et de faire réfléchir des gens aux horizons différents.
Le monde du théâtre est, selon moi, encore élitiste et pas assez populaire. Du coup, j’essaie de promouvoir mes créations auprès d’un public qui n’a pas forcément l’habitude d’en voir. Par ailleurs, il y a des personnes, comme moi, qui ne peuvent pas donner leur avis tout de suite après avoir vu une pièce ; il serait intéressant de faire des débats post-présentation et organiser des rencontres avec les comédiens. Pas tout de suite après la représentation, ça demande une sacrée organisation, mais je suis sûre que c’est faisable.

L’art du théâtre est-il assez accessible ?

Non, comme le cinéma d’ailleurs. Financièrement, il faut déjà avoir de l’argent. De plus, encore aujourd’hui, le théâtre a cette connotation d’être quelque chose d’intellectuellement peu abordable, voire même quelque chose de chiant. Alors qu’il y a plein de sorte de théâtre comme le théâtre de rue… C’est une démarche d’aller au théâtre ; comment rendre accessible une démarche payante ?
Je pense que l’éducation joue un rôle important. Je suis beaucoup auprès des enfants… lors des premières séances d’ateliers, je les interroge toujours sur ce qu’est le théâtre pour eux. Très peu me répondent, très peu en voient ou savent ce que c’est. Pourtant, on est en France, on a déjà eu une belle évolution mais il faut continuer encore et encore. Ça pourrait être davantage intégré au système scolaire, l’art en général d’ailleurs.

© Sophie Pawlak

La comédie sociale Sac de fille(s)-Grand Déballage Public est une pièce mobile, peut-on en savoir davantage? 

Effectivement, cette pièce se joue dans différents lieux, principalement dans des bars. On a envie de casser les codes du théâtre. C’est aussi intéressant pour nous, en tant que comédiennes, de ne pas être seulement face à un public mais d’être au milieu, de repenser la scénographie.

Comment imagines-tu le théâtre dans l’avenir ?

Je ne sais pas… j’aimerais bien revenir au théâtre du temps de Shakespeare. Le théâtre à partir de rien du tout ; le théâtre itinérant avec une roulette qui circule. C’est très institutionnel aujourd’hui. C’est très organisé… De plus, en raison de l’état d’urgence de lutte contre le terrorisme, il y a davantage de contrôles. C’est en rapport aux peurs, tout ça, et ça restreint le théâtre à des lieux précis et même quand c’est gratuit il n’y a pas la même ambiance, la même magie. Je pense qu’on devrait pouvoir jouer n’importe quand n’importe où, librement en fait, sans avoir peur des uns et des autres.
Je pense que ça évolue, le théâtre ne va plus être ce qu’il est, ça va être multidisciplinaire et je trouve ça vraiment intéressant de mélanger les arts. Là, je suis en train de monter un spectacle pour les enfants avec un musicien. Il fait pas mal d’instruments, il chante, il fait du slam, du rap… Il touche vraiment à tout. On fait de la production sonore, de la musique assistée par ordinateur puisqu’il est aussi dans la technique son donc c’est très intéressant.

Quel est l’un des freins majeurs au niveau de la production ?

Je dirai que c’est financier, c’est toujours financier. On ne peut pas se permettre de travailler tout le temps gratuitement, les budgets au niveau de la culture baissent et pour avoir des subventions c’est très long en tant que compagnie débutante, il faut avoir trois ans d’existence et du temps pour s’occuper de ce dossier très technique. Et puis, il faut savoir le faire ! Selon moi, le plus compliqué c’est de savoir présenter son projet. Au début, il faut être multitâche. Toutes les compagnies n’ont pas la possibilité d’avoir un chargé de production, de communication ou de diffusion.

Qu’est-ce qui compte en tant qu’artiste ?

Ce qui compte pour moi c’est rassembler pour pouvoir partager. Sans rassemblement, on ne peut pas partager.
D’ailleurs l’Horrible Cie fait maintenant partie de l’association Y’en a Mare avec le groupe de musique Les Pères siffleurs et la compagnie C’est pas pire que mieux, pour qu’on puisse échanger et mutualiser entre artistes aussi. Je ne me suffis pas à moi-même, c’est important pour moi de vivre avec les autres. J’aime rassembler et faire rencontrer les gens. Dans les ateliers que je mène, c’est lorsque les enfants et les adultes du groupe se retrouvent sans moi que je me dis que j’ai fait mon boulot. J’aime beaucoup cet esprit de troupe, l’entraide et la solidarité… ce sont mes valeurs.
Ce n’est pas si évident aujourd’hui d’être écouté et même d’écouter. On vit à un rythme tellement rapide, il faut toujours foncer, sans hésiter, or on devrait prendre plus le temps de se poser, et d’apprécier les petites choses. Les moments informels peuvent amener à des chemins, à des pensées. Je pense que l’art est un moment où l’on se pose. Au théâtre, les personnes qui viennent sont là pour avoir des émotions, pour vivre un moment de suspension où elles peuvent se retirer et se retrouver. En tant qu’artiste, je donne, j’aime donner.

Aimerais-tu partager quelque chose ?

La parole est importante. Il faudrait offrir davantage la possibilité de s’exprimer oralement et préserver la communication. Le théâtre est un moyen et un outil tout à fait approprié, il faudrait qu’il soit plus accessible, d’où mon envie de le promouvoir auprès de l’ensemble des individus. Il y a encore trop de gens qui ne connaissent pas.

Retrouvez Myriam avec sa Cie sur Facebook

Propos recueillis par Elise Marchal

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