Muerte y reencarnacion en un cowboy – Théâtre de Gennevilliers
Peut-on encore rire ou faut-il ne plus rire dans un monde en décomposition où la rigolade devient une déformation sociale ? La question articule ce spectacle, qui déroule la violence de la société de sur-information à travers un rodéo extrême suivi d’une longue réflexion philosophique menée par deux buveurs de bière revenus de tout. Une première partie consiste en un long affrontement entre deux hommes. Ils se battent, s’autodétruisent et se dénudent pour mieux se déchirer et s’enlacer sur fond de guitares électriques au son tout autant broyé et malmené que les corps. La lutte est haletante ; un couloir sur un côté de la scène pourrait signifier une coulisse de repos mais une caméra les suit dans ce sas où la performance continue. Dans cette course circule toutefois un humour constant dont la vache en plastique toujours en équilibre tient le rôle central. Le combat des hommes ressemble à celui des bêtes, il repose sur l’injuste amas de muscles qui donne à l’un le dessus sur l’autre.
On est plongé dans une bataille violente et cocasse, dérisoire, cruelle, soumise au rapport de forces fortuit, pas plus justifié que la différence entre un poussin et un chat. Car eux aussi sont sur scène, piaillant dans une cage où le matou n’en mène pas large. La clé de cette première partie jaillit dans une séquence où un homme à la langue ficelée tente en vain de parler. L’auteur iconoclaste propose ici des superpositions inventives, violentes et grinçantes simultanément. Parole ligotée, corps ligoté ou les deux ? Il fallait la radicalité de R.Garcia pour sortir de cet imbroglio. Commence alors la deuxième partie, qui laisse place au texte. Celui-ci est dialogué en espagnol par les comédiens cette fois habillés et tranquillement allongés sur des transat. La traduction défile sur écran en fond de scène et c’est une jubilation à vif, aussi incisive qu’a été auparavant le corps.
Toute la liberté de R. Garcia est porté avec les excès de l’auteur que l’on connaît auxquels s’ajoute une dimension d’humour à la Tarantino. Son dernier spectacle à Paris avait suscité manifestations et contestations au point de demander des renforts aux CRS pour que les spectateurs puissent entrer sans risques. C’était au Théâtre du Rond-Point en 2011 avec Golgota Picnic. Les instruments habituels de Rodrigo Garcia envahissaient la scène, à savoir corps nus, sexe, violence, sons et bruitages poussés à l’extrême, ingérence de nourriture jusqu’à l’écoeurement, vidéos vertigineuses, etc. Mais avec la pièce Muerte y reencarnacion en un cow boy, la polémique est évitée car le sujet ne touchant pas directement à la religion, la mobilisation opposante n’a pas eu lieu et le rire en questionnement cloue le bec aux détracteurs sinistres. Il faut donc se mobiliser pour juste courir et participer à la présentation de cet objet théatral où se côtoient la force humaine tant dans ses pulsions destructrices que ses capacités les plus libératrices.
Isabelle Bournat
Muerte y reencarnacion en un cowboy
De Rodrigo Garcia
Avec Juan Loriente, Juan Navarro et Marina Hoisnard
Du 11 au 19 janvier 2013 à 20h30
Les 15 et 17 janvier à 19h30
Tarifs : de 9 à 24 euros
Réservations par tél. 01.41.32.26.26
Durée : 1h30
Théâtre T2G de Gennevilliers
41, avenue des Grésillons
92230 Gennevilliers
M° Gabriel Péri
[Visuel : © Christian Berthelot]
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