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Montpellier Danse, intime et méditerranéen

20 juin 2016
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Montpellier Danse

Du 23 juin au 9 juillet 2016

www.montpellierdanse.com

Montpellier Danse est un festival de créations qui propose cette année des noms phares comme Emanuel Gat, Christian Rizzo, Robyn Orlin, Lia Rodrigues, Nacera Belaza et tant d’autres, mais aussi des jeunes créateurs intrigants. Un festival qui affirme que la danse est le territoire où se croisent l’engagement et le questionnement intime.

Montpellier, ville de la Méditerranée, jeune et cosmopolite, attribue à la danse une place particulière. Le festival Montpellier Danse est l’exemple d’une symbiose entre un art et une zone géographique, riche en diversité culturelle. L’Europe, Israël et le Maghreb nourrissent fortement cette 36ème édition, où les chorégraphes présentent des démarches citoyennes, au meilleur sens du terme et développent des points de vue engagés sur les crises de nos sociétés, qu’il s’agisse des migrants, des viols, d’écologie ou de justice sociale.

Ces problèmes relient les chorégraphes méditerranéens à d’autres comme Robyn Orlin, Lia Rodrigues ou Salia Sanou, depuis toujours préoccupés par le sort des plus faibles, des minorités et de ceux à qui puissants et colonisateurs nient leurs droits naturels. Et si Salia Sanou est allé à la rencontre des migrants maliens dans un camp de réfugiés au Burkina, Robyn Orlin entend « questionner les représentations mentales figées sur le genre, la race et le développement intellectuel ».

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lia rodrigues for the sky  sammi landweer 0265Orlin pose des questions qui peuvent déranger certains: « Pourquoi ne peut-on être gay et inscrit dans la culture traditionnelle? Pourquoi ne peut-on être diplômé d’université et pratiquer la religion et la médecine africaines coutumières? » Elle crée à Montpellier Danse un solo pour le danseur Albert Ibokwe Khoza pour questionner ce qui compose l’identité d’un citoyen africain.

L’intime questionne le collectif

Et ce sont des questions intimes qui mènent à la création autant qu’à la violence. « L’être dans cette société est souvent à la limite d’un état de folie, dans un va-et-vient permanent entre « se contenir » et « déborder » (être hors de soi) », dit Danya Hammoud, et elle l’a dit bien avant les tueries d’Orlando, de Magnanville et de Birstall, mais après celles commises par Anders Breivik et tant d’autres.

Dans Il y a longtemps que je n’ai pas été aussi calme, elle présente une recherche sur l’état « de folie, en devenir, jamais tout à fait accompli ». Mais de plus en plus menaçant. Ce duo fait suite à Mes mains sont plus âgées que moi, dans laquelle Hammoud enquête sur l’état qui précède l’acte de tuer.

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Troublant contraste avec la démarche de Nacera Belaza qui parle tant d’« échapper à soi », de dépassement, d’abandon, de lâcher-prise ou de transcendance dans le sens d’ouverture, de découverte et de paix intérieure. Elle va ici créer Sur le fil, un trio féminin, pour encore creuser une recherche sur l’intime, menée depuis bientôt une dizaine d’années.

Radhouane El Meddeb ne livre pas seulement des pièces de danse, mais des recherches sur des sensations intimes. Dans A mon père, une dernière danse et un premier baiser se mélangent l’envie de parler, de se raconter à un père parti « sans annonce, seul, un matin » et les impressions de improvisant sur les Variations Goldberg. Un solo interprété par El Meddeb en personne, qui renoue ainsi avec ses débuts dans la danse.

Et puis, on pourra découvrir un(e) jeun(e) Iranien(ne) qui a troublé tout le monde lors de la présentation à la presse de l’édition 2016. Homme ou femme? Elle/lui-même refuse de choisir. « Depuis que je vis en France, je suis troublé.e quant à chacune de mes phrases. La langue française m’impose de choisir. Et si je veux parler de moi au neutre? Suis-je féminine alors que mon vagin est masculin? » Sorour Darabi présente Farci.e, solo résultat de sa recherche menée dans le cadre du Master Ex.e.r.ce, au CCN de Montpellier. Ça (pour saisir un neutre) risque de faire des vagues.

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Taoufiq Izeddiou part du souvenir de son premier solo dansé pour interroger les parcours de vie autour des sources de la spiritualité, en opposition à la religion. Les uns mènent à la paix et la sagesse alors que d’autres poussent vers la violence. Le solo En Alerte sera une sorte d’autoportrait à travers les sons qui accompagnent Izeddiou dans sa vie: « Depuis mon enfance, je baigne dans des univers sonores très différents et très particuliers. »

De grandes compagnies en pleine évolution

Mais Montpellier Danse est un festival trop énorme pour n’explorer qu’une seule piste au cours d’une édition. On verra à Montpellier certaines compagnies qui ont écrit l’histoire contemporaine de la danse. Jacopo Godani amène la compagnie de Francfort/Dresde, créée par William Forsythe, vers de nouveaux horizons, sous un nouveau nom. Le Ballet Cullberg invite Deborah Hay qui invite Laurie Anderson

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Emmanuel Gat, invité régulier au festival, crée Sunny et renouvèle la moitié de ses danseurs. On peut être curieux de la manière dont cela changera, ou pas, le résultat artistique, alors que Awir Leon, jusque-là danseur au sein de la compagnie, compose la musique électronique pour Sunny. La nouvelle création de Gat est l’une des rares pièces du festival à explorer le mouvement comme une danse pure.

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Exception partagée avec Le Syndrome Ian, création de Christian Rizzo qui explore l’univers du clubbing ainsi qu’avec la pièce de Deborah Hay pour le Cullbergalletten, intitulée Figure a Sea (sans forcément viser la Méditerranée). Et Gat de créer « sans thème préalable ou parti pris pour inventer de nouvelles règles de jeu » pendant que chez Hay, avec le Cullberg, on ne verra « pas de conflits homme-femme, de fil conducteur ou de mouvements codifiées. Il n’y a rien d’autre que de la danse et de la chorégraphie », explique Gabriel Smeets, directeur artistique de la compagnie. Mieux: « Les danseurs adorent travailler avec Deborah Hay parce que son travail n’est que de la danse. »

Et puis, le festival de danse cache un festival de film, avec un focus sur le cinéma iranien et un autre autour de la danse, avec le fameux Desert Dancer retraçant l’histoire d’Afshin Gaffarian (chorégraphies d’Akram Khan), et avec, côté Israël, Dancing in Jaffa. Et puis, un documentaire sur le travail de Salia Sanou avec les réfugiés maliens au Burkina Faso, et aussi le documentaire de Philippe Lainé sur Robyn Orlin et sa création pour l’Opéra de Paris, en 2008, accompagné de Water… anything can happen, tout nouveau film-opéra de Robyn Orlin et tant d’autres films à l’engagement sociétal fort. Ce festival cinématographique intitulé Filmer malgré tout répond à la table ronde autour de la situation de la danse dans les pays de la rive sud: Danser malgré tout.

Thomas Hahn

Photos: Sammy Landwehr (“Para que o céu não caia” de Lia Rodrigues)

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