Montedidio – Erri de Luca – L’Atalante
Les lecteurs de Erri de Luca sont attachés et séduits par son sens si particulier de la délicatesse et sa manière de tisser avec légèreté une magie napolitaine foisonnante. Ce romancier né en 1950 a reçu le Prix étranger Fémina en 2002 pour Montedidio et son œuvre mêle finement la grâce de l’enfance à l’apprentissage de la vie, le charme du quotidien à l’engagement politique. On retrouve dans l’adaptation et la mise en scène de Lisa Wurmser la tonalité d’innocence et de sincérité propre au romancier, mais sur un registre statique qui vire à la sensiblerie.
Mélodie incomplète
La pièce repose sur le jeune garçon qui a reçu de son père un boomerang. Dans ce milieu social, les cadeaux sont rares et celui-ci marque avec émotion l’envol de l’adolescence. Le garçon dont la voix mue découvre la rencontre amoureuse, les premiers transports sensuels, les séparations aussi à travers la mort de la mère, puis les horizons lointains que des personnages tels que le cordonnier ouvrent avec une imagination et une langue pleine de petites touches impressionnistes. Des draps étendus sur un fil traversent la scène, on entend des chansons napolitaines, on admire au passage le corps du père taciturne et le vieux Rafaniello distille sa sagesse. Les repères sont là, modestes et sans fausse note mais la petite musique manque de variations, d’évolution et de proposition théâtrale. La peinture de cette dense communauté qui vit dans les ruelles étroites et ensoleillées est réduite à une petite aquarelle, Montedidio devient une berceuse.
Erri de Luca a l’art de se placer sur la charnière entre l’adolescence ingénue et les dangers du monde adulte, ce à une époque où il y avait encore des prolétaires, des marchands de rue, des blanchisseuses qui chantent en travaillant, des vendeurs de pizza insolites et des humbles qui ont subi le traumatisme de la guerre sans perdre leur âme. L’auteur italien capte ce monde et sa lumière sans occulter la dureté, celle de l’injustice sociale et des drames intimes. Ce n’est pas par hasard s’il a rejoint la classe ouvrière et le militantisme communiste. Il pose son regard sur les faits et les actes aux airs anodins qui donnent toute l’amplitude de l’humanité, et la pauvreté qu’il a combattue dans la réalité n’a pas obscurci son aptitude à la poésie, au rêve et à la douceur. Cette transcription au théâtre affadit ce nuancier.
Les comédiens restent à la hauteur de cette adaptation mineure, transmettant une saveur honnête qui permettra à certains de découvrir Erri de Luca, à d’autres de passer un moment d’évasion doucereuse, à tous l’envie de goûter au texte d’origine.
Isabelle Bournat
Montedidio
Adaptation et mise en scène de Lisa Wurmser
Avec Chad Chenouga, Andrea de Luca, François Lalande, Jérémie Lippmann et Léa Girardet
Jusqu’au 9 mars 2013
Lundi, mercredi, vendredi, samedi à 20h30
Jeudi à 19h
Dimanche à 17 h
Les samedis 16 et 23 février à 17h et 20h30
Tarifs : de 12 à 20 euros
Réservations par tél. 01.46.06.11.90
L’Atalante
10, place Charles Dullin
75018 Paris
M° Pigalle ou Anvers ou Abbesses
Articles liés
“Les Imitatueurs” à retrouver au Théâtre des Deux Ânes
Tout le monde en prend pour son grade, à commencer par le couple Macron dans un sketch désormais culte, sans oublier Mélenchon, Le Pen, les médias (Laurent Ruquier & Léa Salamé, CNews…), le cinéma, la chanson française (Goldman, Sanson,...
La danseuse étoile Marie-Agnès Gillot dans “For Gods Only” au Théâtre du Rond Point
Le chorégraphe Olivier Dubois répond une nouvelle fois à l’appel du Sacre. Après l’opus conçu pour Germaine Acogny en 2014, il poursuit, avec For Gods Only, sa collection de Sacre(s) du printemps qu’il confie cette fois-ci à la danseuse...
Térez Montcalm, la plus rock des chanteuses de jazz, en concert à Paris au Café de la Danse
Térez Montcalm est une figure incontournable de la scène jazz canadienne, reconnue pour son talent vocal exceptionnel et son approche novatrice de la musique. Née à Montréal, cette artiste a su s’imposer grâce à une voix puissante et expressive,...