« Monsieur Motobécane » de Bernard Crombey, représentation exceptionnelle au Théâtre Antoine
C’est à l’âge de 26 ans, que Bernard Crombey eut l’idée d’adapter sur les planches un fait divers qui se passa dans le Nord. Un type avait accueilli une fillette chez lui pendant plus d’une semaine alors que les parents de l’enfant habitaient juste au dessus de chez lui. De cette histoire, il en tire une pièce où seul en scène pendant plus d’une heure, il raconte de sa cellule cette histoire à la fois triste, émouvante et drôle.
On découvre le personnage principal dans sa cellule de prison. Il s’adresse à nous avec un accent du Nord, plus précisément de Picardie, qui installe le décor, l’ambiance et même une certaine psychologie, absolument fondamentale à la compréhension de la pièce. Le Tiot’ Victor est simple, on peut même dire sans prendre de risque qu’il est simplet. Au travers de petites anecdotes du quotidien, il nous raconte qui il est. Ses activités sont beaucoup orientées autour de sa mobylette qu’il ne quitte presque jamais d’où son surnom ” Motobécane”. Puis avec une extrême justesse, le comédien nous plonge dans son histoire. Cette petite fille de dix ans qu’il rencontre à la sortie de l’école et qui l’implore de l’accueillir chez lui pour ne pas tomber dans les bras de sa mère violente et incapable de la comprendre. L’homme accepte de bon cœur, et s’embarque dans une cascade de problèmes qui vont le dépasser très vite. En revenant au village, il se rend compte que la petite fille est recherchée et que le coupable devra payer le prix fort. D’un geste naturel, il se retrouve accusé d’un crime. Comment cet homme naïf, et convaincu d’avoir fait un geste de bon cœur, se sortira t-il de ce piège à taille humaine ?
La scénographie est épurée. Seuls la mobylette et un casque sont suspendus. Ces objets illustrent l’homme et son univers. Le comédien, alors dans sa cellule, marche sur un carré placé de biais, comme pour illustrer l’enfermement dans lequel il est. Certains mettront du temps à comprendre le personnage tant l’accent rend difficile, au départ, la compréhension du texte. C’est au moment où l’on se dit que l’on ne va rien saisir que tout s’illumine. Magnifique ressort sur lequel le comédien s’appuie, peut être sans le vouloir. Il suffit juste d’entendre le texte plus que de l’écouter. Les émotions et les états successifs de l’interprète nous guident et enfin on se fait à cet accent si chaleureux qu’à la fin on n’a plus envie de quitter.
Bernard Crombey est éblouissant de sincérité et d’imagination. Son personnage est incarné de bout en bout. Il raconte, décrit, se justifie avec une telle conviction que l’on adopte le point de vue de Motobécane. Ce qui nous fait vivre cette histoire de l’intérieur et nous dépeint une société rongée par la loi systématique et par la peur automatique. Cette pièce réussit à aborder des sujets compliqués et ce avec une histoire intimiste, presque sans importance. On apprend sur l’homme, et on comprend peut être avec plus de facilité ce qu’il peut se passer dans la tête des isolés ou des exclus. Sans justifier le crime, on se découvre une indulgence que la société actuelle nous pousse à étouffer. Un moment inoubliable et utile.
Mathieu Métral
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