Moâ, Sacha ! au Poche-Montparnasse, Guitry en surbrillance
Christophe Barbier, journaliste de renom, passionné de théâtre et admirateur de Guitry, a conçu le spectacle et incarne son idole. Il a sélectionné des extraits de ses pièces, des anecdotes de sa vie et compilé une palette de bons mots. Dans un esprit de cabaret, Moâ Sacha est un sympathique moment en compagnie de cet auteur scintillant.
Portant habituellement une fameuse écharpe rouge, Christophe Barbier revêt ici une robe de chambre vermillon comme Sacha Guitry à l’époque où s’ouvre le spectacle, c’est-à-dire en 1944. Il est alors suspecté d’avoir collaboré avec les Allemands, ou plus exactement d’avoir fait « preuve d’intelligence avec l’ennemi », intelligence qu’il ne démentira pas. Interrogé par un juge qu’interprète Pierre Val, il est amené au fil des questions à se souvenir du passé et à faire partager ses aventures familiales, conjugales, théâtrales, toutes réunies par son sens éblouissant de la répartie. Sacha Guitry, dans la vie comme dans ses œuvres, traverse les événements avec des mots d’esprit.
Sous le feu des questions du juge assis devant une machine à écrire vintage, Sacha Guitry fait revenir son célèbre père, le comédien Lucien Guitry, ainsi que ses cinq femmes, toutes incarnées à merveille par Chloé Lambert. A part Christophe Barbier qui demeure de bout en bout Sacha, ses partenaires endossent donc de multiples rôles. Le talentueux Pierre Val passe de la jalousie à la conquête avec souplesse et Chloé Lambert, qu’elle soit Yvonne Printemps ou Jacqueline Delubac, est exquise. Et non seulement on passe du père au fils ou d’une maîtresse à une autre, mais en supplément Christophe Barbier s’est amusé à multiplier les clins d’œil au temps présent. Ainsi le public est interpellé, le journaliste redevient lui-même à plusieurs reprises et ses partenaires s’adressent au chroniqueur non sans une malice bon enfant. Finalement, avec un zeste d’autodérision, le spectacle retrace l’existence de Sacha Guitry à son image, avec un humour élégant, un goût immodéré des mots, une lucidité à toute épreuve et un sens de la séduction qui permet d’échapper à toutes les situations, quitte à se moquer des autres et de soi.
Le public se délecte des extraits de Désiré, Faisons un rêve ou Quadrille et autres pièces de théâtre de Guitry. Les citations s’enchaînent, on découvre ou retrouve avec plaisir la saveur pimentée de ses répliques qui font mouche. Christophe Barbier nous fait partager avec légèreté son admiration pour cet homme et auteur virtuose, en combinant ses multiples facettes, phallocratie comprise. Moâ, Sacha ! est un joli coup de chapeau à Guitry, à ses films et à ses nombreuses pièces, y compris la moins connue et bien-nommée Toâ.
Emilie Darlier-Bournat
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