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Mimos, un festival du geste protéiforme

Thomas Hahn 16 juillet 2018
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"Fille d'Hestia" © Cie Mystica Salvaje

Le Festival international des arts du mime et du geste de Périgueux présente 40 compagnies et attend 80 000 spectateurs au cours de la dernière semaine du mois de juillet. Avec son ambiance bucolique et poétique, Mimos offre une belle alternative à un Avignon bondé et en surchauffe.

Avec 22 compagnies dans le In et une vingtaine pour le Off, Mimos transformera le centre-ville, une semaine durant. Ouverture le soir du 23 juillet, avec une rétrospective des plus belles pages écrites par les artistes venus au festival. Les projections d’artistes ayant marqué l’histoire du festival – attendons-nous à Kazuo Ohno et Marcel Marceau, entre autres – se glisseront directement sous la peau minérale de la Cathédrale Saint-Front, grâce à la technologie du mapping. Et le ton sera donné pour le reste de la semaine.

“Le Rêve d’Erica” par Bivouac Cie © S. Klein

Une ambiance unique

L’ambiance d’un festival dépend autant des choix artistiques que du lien entre la ville et le public, de son histoire, des objectifs de la municipalité en question, de la taille de la ville, du rapport entre le In et le Off, et même, oui, de la météo… Mimos a toujours su mettre en valeur la rencontre entre la poésie des mimes et celle du patrimoine urbain de cette cité d’exception. Mimos affiche un équilibre parfait entre l‘offre en matière de spectacles et le paysage urbain. D’où une poésie, une disponibilité, une réceptivité et une générosité du public qui sont uniques dans le paysage.

On parle ici du Off, mais, à Périgueux, le In aussi a su préserver sa flamme unique, qui est celle du corps et du geste. Ce qu’on appelait le mime, du temps de Decroux et de Marceau, est devenu “les arts du mime”, est devenu « théâtre physique » et autres arts du geste, dans une diversité et une porosité impressionnantes avec d’autres champs qui ont mieux su s’imposer dans le paysage des arts du corps.

C’est justement ce terrain de la rencontre avec les arts visuels, de la marionnette, du cirque ou de la danse qui rend inclassables grand nombre de propositions artistiques du festival, faisant de Mimos un rendez-vous unique dans le paysage français. Et on passe du plus poétique au plus humoristique, du spectacle forain ou circassien aux formes les plus surprenantes. Une belle partie de Mimos 2018 met à l’honneur les duos ou solos au féminin.

“Capillotractées” © Sébastien Armengol

Un solo chansigné d’Emmanuelle Laborit

On y croise des propositions aussi uniques que Dévaste-moi, le nouveau spectacle de l’immense comédienne qu’est Emmanuelle Laborit. Elle interprète ici des chansons sulfureuses de Donna Summer, Alain Bashung, Boris Vian, Brigitte Fontaine, Gainsbourg ou Amy Winehouse. Mais elle ne chante pas, elle chansigne. C’est-à-dire : sourde et donc pratiquante et militante de la Langue Française des Signes (LSF), la comédienne – mais aussi quasiment danseuse – signe un solo (mis en scène par Johanny Bert) qui évoque la femme et son corps, ses désirs, ses sensations, ses sentiments et ses libérations.

Le corps féminin en Récital

Retour aux fondamentaux : un corps, tel un instrument de musique, dans un rite chorégraphique complexe et dépouillé à la fois. Où le jeu des muscles, de la peau et des cheveux devient comme les cordes d’un violoncelle, pour une douce musique du corps, une “idée d’un corps”, comme le dit Yasmine Hugonnet qui reprend ici son solo emblématique. De posture en posture, ce Récital est un exercice de grande finesse, une fugue qui passe des extrêmes aux interstices les plus subtils et redéfinit à chaque fois le rapport au monde.

Deux femmes suspendues par les cheveux

Ambiance nordique et décalée avec ce duo féminin qui revisite un art forain ancestral aujourd’hui peu pratiqué, à savoir la suspension par les cheveux. Nordique, puisque la fildefériste Sanja Kosonen et la trapéziste Elice Abonce Muhonen se sont formées en Finlande et en Suède. Mais elles se sont rencontrées au CNAC à Châlons-en-Champagne et travaillent avec la compagnie française Galapiat Cirque. Décalée, puisque tout le folklore qui peut entourer cette tradition est ici pris au second degré et dans un esprit contemporain. De là à dire qu’il s’agit d’un spectacle décoiffant, il n’y a qu’un cheveu…

 

 

Deux femmes dans un escalier

C’est en 2013 que Camille Fauchier fonde la Cie Née d’un Doute. L’originalité de son Duo d’escalier, qu’elle interprète avec Laëtita Vieceli, ne découle pas de la rencontre entre les arts du cirque et la chorégraphie, mais de la proximité avec un art urbain, celui du Parkour, jusqu’ici une chasse gardée de la gent masculine. Car le Duo d’escalier a vraiment lieu dans un escalier ! Le lien avec le réel est donc évident, et le quotidien des habitants de l’immeuble est en effet le point de départ de cet acte poétique, acrobatique et chorégraphique qui investit une cage d’escalier.

 

 

Une fille et son rêve ardent

Une danseuse sur pointes, des artistes circassiennes, une violoncelliste et une chanteuse lyrique : dans ce conte au féminin, l’ambiance est onirique et nocturne, pour l’histoire d’une fille qui passe à l’adolescence. L’ADN du Rêve d’Erica remonte aux Souliers rouges de Hans Christian Andersen. Et il n’est question que d’espoirs et de désirs, de poésie et de sensualité…

 

 

La danse d’un homme avec son cheval…  

Voilà un duo pour un danseur et un cheval, où chacun pourrait être la “bête noire” de l’autre, sur les airs de l’album L’Imprudence de Bashung, réputé incarner les humeurs les plus sombres de la star défunte. Thomas Chaussebourg et son Frison War Zao ne se livrent pas un combat, mais vivent chacun leur désir de liberté dans un road movie aussi noir que la peau de l’étalon. Ma Bête noire est une lutte évidemment métaphorique et pleine de tendresse.

 

 

… et celle d’un homme avec une sculpture suspendue

Rapid life movement est une pièce pour un danseur, deux musiciens et une forêt de tubes verticaux, suspendus au-dessus du plateau, telles des lames ou des grilles. R.L.M. est un solo sur le thème du combat et de la liberté conçu par la compagnie Fearless Rabbits, dirigée par Rémi Boissy. Ce jeu avec le danger et la contrainte fait de la sculpture mobile, œuvre de la scénographe Vanessa Sannino, un acteur de la pièce, au même titre que le protagoniste humain et l’environnement sonore signé Jean-Pierre Legout.

 

Rencontre burlesque de deux contorsionnistes

Après le succès de son solo Au fil des torsions, la contorsionniste Lise Pauton crée à Mimos le duo Initok & Esil, avec le clown-contorsionniste ukrainien Kotini Junior (Konstantin Andreitchenko). Où les deux, voisins d’esprit et d’escalier, sont séparés par un mur invisible et hantés par un chat noir qui semble porter en lui un imaginaire assez diabolique. D’où toutes sortes de rêves et de cauchemars dont est faite cette rencontre burlesque entre un imaginaire chorégraphique et celui de l’Europe de l’Est qui ne jure que par l’absurde.

Le théâtre sublimé par le clown et le masque

Familie Flöz est une compagnie de théâtre et de clown qui travaille à Berlin. Leur théâtre masqué est d’une finesse psychologique et burlesque inégalée. Dans Dr Nest, leur nouvelle pièce à voir à Mimos en première française, ils plongent dans l’univers des récits d’Olivier Sacks. Le fameux neurologue qui sait transformer les troubles mentaux en pure poésie (L’Homme qui prenait sa femme pour un chapeau), magnifié dans un spectacle mémorable de Peter Brook, est porteur d’un univers qui va comme un gant à cette famille qui trouve toujours la beauté humaine derrière les comportements les plus loufoques.




Arts du feu et arts numériques

# Blanche-Neige 2048 de la compagnie Théâtre Diagonale, l’une des trois créations à Mimos 2018, part d’une inversion de conte des Frères Grimm, basée sur la nouvelle Snow, glass, apples de l’Américain Neil Gaiman. Où Blanche-Neige assume le rôle de la femme cruelle et maléfique. Et le miroir est ici représenté par les réseaux sociaux numériques et virtuels, ce qui ouvre la porte au croisement des arts du geste et des arts numériques.

L’esthétique est carrément opposée dans Fille d’Hestia, un rituel nocturne de danse et de feu par la compagnie Mystica Salvaje. Comme son titre l’indique, ce conte pyrotechnique est dédié à la déesse grecque du feu sacré. Musique, chant, danse et flammes évoquent les légendes et les transes d’un monde immémorial.

Thomas Hahn

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