Mimos 2016 : le geste parfait
Mimos, 34ème édition Du 25 au 30 juillet 2016 Périgueux et environs |
Du 25 au 30 juillet 2016 A Périgueux, le festival Mimos, premier rendez-vous des arts du geste en France, propose une semaine de spectacles dédiés au corps, qui investissent les places, les rues, la nature et même les théâtres. Plus de trente propositions poétiques, engagées, mystérieuses ou acrobatiques, chorégraphiques ou circassiennes. Pendant une semaine, l’ambiance à Périgueux ne ressemble à aucune autre. Et on peut parier qu’en ces temps tristement agités par la violence, la barbarie et la haine, Mimos fera figure d’oasis d’humanité, de douceur, de savoir-vivre et surtout, de vivre-ensemble. Une vraie bulle d’oxygène. Car ce festival est une fête populaire intelligente, comme il en faudrait partout, surtout en ce moment. Avec son public attentif, sensible et généreux, avec son ambiance poétique et conviviale, Mimos montre une voie pour sortir de la crise morale, par le haut… [embedyt] https://www.youtube.com/watch?v=UDFwQQVgVWg[/embedyt] Les spectacles qu’on voit ici agissent contre la stigmatisation car ils sont des miroirs individuels, justement parce que le corps n’y est pas glorifié ni abhorré, mais interrogé et poétisé, dans ses capacités et ses incapacités, sa normalité, son absurdité. Dans sa souffrance aussi. Respiration, lévitation, transformation. A Mimos, le corps n’est jamais anodin. Il attire tous les regards, et c’est ce qui le rend à la fois fort et résistant, aussi bien que faible et imparfait. Ouverture sur l’Isle Le grand spectacle d’ouverture de Mimos 2016 appartient à la compagnie Ilotopie qui investit les eaux de l’Isle, la petite rivière qui traverse Périgueux, avec leur spectacle Fous de Bassin, où le miroir horizontal créé par la surface aquatique transfigure complètement une histoire peuplée de personnages sortis de la vie ordinaire. [embedyt] https://www.youtube.com/watch?v=Tllj7VYNCoQ[/embedyt] Bruno Schnebelin et son équipe, qui font partie du patrimoine vivant des arts de la rue, ont inventé le Théâtre d’eau et les machines nécessaires à sa réalisation, permettant de marcher sur l’eau, d’y pédaler ou de rouler en voiture, sans parler des gondoles qui passent. Et quand le feu rejoint l’eau comme pour un concours de magie visuelle, le geste quotidien fait face à un univers des plus féériques. La magie du bois Après l’eau, les arbres! La compagnie Etoile de Mer propose, avec La Voile, non seulement de regarder un spectacle acrobatique dansée dans les arbres, mais aussi de lier ce moment à une balade permettant de découvrir l’environnement du spectacle, ici le Jardin des Arènes de Périgueux. [embedyt] https://www.youtube.com/watch?v=sVj2lIFTKJM[/embedyt] Et si l’arbre était beau, finit sa vie sous forme de bûche, le plus souvent dans une cheminée, et parfois dans le spectacle de Claudio Stellato qui en utilise 1.600 dans La Cosa, une clameur gestuelle pour quatre bûcherons en costume de ville. Entre les hommes et le bûches naît une complicité de plasticien et d’ingénieur qui permet de faire surgir des œuvres d’art brut de grande élégance. Dans la rue Quand en cette 34ème édition, la danse investit les rues et les places dominées par la célèbre cathédrale Saint-Front, c’est pour des histoires de courts. 7 Minutes de la compagnie Volubilis est un parcours à travers la ville qui respecte son cahier des charges indiqué par le titre du spectacle. Pas une de plus, et ce pour chacune des huit épisodes de ce feuilleton où le public change de lieu pour suivre un feuilleton énigmatique, sur un rythme haletant, où les rues de la ville deviennent un personnage à part entière. Il y aura moins de déplacements et pourtant moins de liens entre les six Histoires Courtes partagées entre les compagnies YMA et Mangano-Massip. La première se concentre sur des histoires de couple, puisque les deux chorégraphes-interprètes, Chloé Hernandez et Orin Camus, sont un couple, qu’ils travaillent ou qu’ils se reposent ou qu’ils interprètent un duo au sujet du travail, comme dans Fabrique. Ils viennent de présenter leurs brèves (entre 7 et 10 min) au festival June Events sous le titre de Next Couple et se partagent le programme périgourdin avec les mimes contemporains Sara Mangano et Pierre-Yves Massip. Entre autres, ils présentent une pièce-performance où l’acteur sculpte, incise et modèle 30 kilos d’argile en direct, comme pour répondre à Stellato et son déluge de bûches. Théâtre gestuel, gestes citoyens [embedyt] https://www.youtube.com/watch?v=nlbIgunBpto[/embedyt] Trois spectacles, dont un venant d’Angleterre, engagés et philosophiques, politiques et audacieux. Pourtant ce n’est pas le Collectif Fearless Rabbits qui doit affronter les conséquences du Brexit, mais Theatre Re, compagnie implantée à Londres et créée par un Français, Guillaume Pigé qui a étudié, à Londres, le mime corporel inventé par Etienne Decroux, avec les élèves du maître qui ont trouvé côté Tamise plus d’intérêt pour ce patrimoine français que côté Seine. « C’est comme du Beckett mis en scène par Magritte », disait la presse anglaise au sujet de Blind Man’s Song de Theatre Re, pièce intrigante sur un musicien aveugle qui détourne sa cécité pour mieux voyager intérieurement, alors qu’il est hanté par des personnages énigmatiques ou menaçants qui gravitent autour de lui. Ils sont peut-être des représentations de nos démons intérieurs, et c’est peut-être vrai aussi pour le duo Wild de Fearless Rabbits, un « questionnement sur les frontières sociales, éducatives, économiques, physiques qui définissent ou non un être civilisé. » La question de la civilisation est aussi une question du regard qu’on porte sur l’autre, qu’on exclut, qu’on évite. La compagnie Mastoc Production aborde dans Des Vils l’univers des SDF avec leurs existences faites d’abandon, de solitudes, d’ivresse, de violence, de colère, de peur, dans un théâtre d’images chorégraphiques pour une slameuse, un comédien et quatre danseurs. [embedyt] https://www.youtube.com/watch?v=XKPdsT1i5Ns[/embedyt] Envols et chutes Toujours des images de corps percutants à Mimos, à commencer cette année par Aneckxander, le solo rapidement devenu mythique du Belge Alexander Vantournhout. Attention, nudité! Mais nudité burlesque, dans une autobiographie tragique du corps. C’est à partir de son cou anormalement long qu’il a construit son personnage d’anti-héros naïf, solitaire, beckettien. [embedyt] https://www.youtube.com/watch?v=fErccPjPIdw[/embedyt] Vantournhout nous parle peut-être de l’impossible envol après la chute, contrairement au trio Foi 2.0 du Collectif AOC, plus classiquement circassien, qui décline la dialectique envol/chute sous l’angle de la métaphore et de la recherche de quelque chose en quoi on pourrait croire. Ils ont encore cette foi que Aneckxander a remplacé par un existentialisme bien trempé. Hip hop livresque et tango de feu [embedyt] https://www.youtube.com/watch?v=mLyB5he8Bso[/embedyt] Deux compagnies qui ont récemment enchanté le public sur la scène en plein air du Parc Gamenson de Périgueux reviennent à Mimos avec leurs nouvelles créations. En hip hop, les Pyramid offrent une nouvelle fois un spectacle envolé et athlétique. Index est une pièce pour cinq danseurs et 351 livres, à la fois objets et partenaires, où l’invention chorégraphique dit toute la poésie et les imaginaires contenus entre les couvertures. L’orchestre est sur scène dans Le Bal des Anges de la compagnie Bilbobasso, où l’on danse sur le sable, entre les flammes et au son du bandoneon. Et le public suit une histoire de passion, de fantômes et de désirs. Le public les avait acclamés il y a deux ans dans A fuego lento et ne manquera pas ce nouveau rendez-vous. Bilbobasso n’ont pas peur des stéréotypes, qu’ils embrassent avec une telle fougue qu’on se laisse emporter. Thomas Hahn [ Photos : Alain Julien / Jean Baptiste Bucau / Richard Davenport] |
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