“Mes Parents sont des enfants comme les autres” : famille je vous hais !
Mes Parents sont des enfants commes les autres De et mis en scène par Renaud Meyer Avec José Paul, Gladys Cohen, Rudy Milstein, Marie Montoya, Guilhem Pellegrin et Loïc Renard Jusqu’au 2 janvier 2016 Du mardi au samedi à 20h30 Tarifs : de 10 à 42 € Réservation en ligne Durée : 1h20 Théâtre Saint-Georges M° Saint-Georges |
Jusqu’au 2 janvier 2016
Depuis que les parents se prennent pour des adolescents en puissance, désireux de croquer le monde quand, dans leur jeunesse, ils n’ont pu qu’en lorgner l’horizon, leur progéniture y perd ses repères comme les enfants perdent un père. Transfert de responsabilités, leçons de morale inversée, et ce sont les lois religieuses, naturellement, qui reprennent le dessus. La Torah contre un joint de haschich ! La nouvelle comédie de Renaud Meyer est drôle et très actuelle. Qui est le père ? Quelle surprise de voir ses parents ivres morts se jouer une scène torride de séduction, de retour sur les rotules à 2 heures du matin, quand on les attend pour fêter son anniversaire ! Eh oui ! Les babas cols de 2015 sont des quadras qui se rattrapent et qui font pousser leurs enfants en refusant le carcan familial. Les conventions, les anniversaires, les obligations sociales et les attentions bourgeoises sont des ringardises dépassées pour qui doit vivre au jour le jour, hyper-connecté, facebooké avec 7 000 amis. José Paul est un papa décontracté et moderne qui joue du ukulélé, guette ses articles dans Les Inroks et supporte mal les leçons de morale de son fiston (Loïc Renard) qui projette une carrière d’expert-comptable. Quant à sa compagne (Marie Montoya), elle plane dans ses robes seventies et ses chapeaux de paille dans des nuages fluos. Choc des civilisations Renaud Meyer dresse le portrait d’une famille bobo percutée de plein fouet par le sirocco d’une tribu juive tunisienne. Entendez par là qu’Arnaud le fils, dont les parents ont oublié l’anniversaire, va se faire consoler chez les Sitbon en jouant au poker chez eux à Juan-les-Pins, alors qu’il délaisse ses parents à La Rochelle. Une vraie famille, au moins, unie par la tradition méditerranéenne et le shabbat. Autour de la table et du couscous-boulettes, le poker est torride et Madame Sitbon (Gladys Cohen) envahissante et bavarde. Quant à son mari (Guillhem Pellegrin), il se trouve totalement dépassé par l’arrivée inopinée de ce “goy” qui a l’air d’un Ashkénaze, suprême injure des Juifs d’Afrique du Nord envers leurs faux frères d’Europe centrale ! La malice de la pièce et son intérêt, hormis le comique de situation et le jeu brillant des acteurs, est de nous faire comprendre que sous des dehors harmonieux cimentés par la tradition culturelle, le père Sitbon n’en peut plus de la mainmise de son épouse et que leur fils Serge (Rudy Milstein), écœuré par le comportement païen de ses parents, projette de fuir étudier le Talmud à Jérusalem pour devenir rabbin. Guerre des sexes contre guerre de religions Bobos contre réactionnaires moraux, laïques contre orthodoxes, femmes contre maris subissent la même incompréhension, le même manque d’ouverture et de tolérance sous des dehors accueillants. Le paradoxe d’une jeunesse assoiffée de règles et de réussite matérielle, aux côtés de parents qui souhaitent au contraire se débrider et vivre, est ici très bien mis en valeur à travers des scènes, un peu caricaturales certes, mais plus vraies que nature. Le débarquement de Serge, en quarantaine chez Arnaud avec son chandelier à 7 branches et sa corne de brume, qui impose son univers spirituel aux parents Baudrillard, alors que son propre père découvre le ukulélé et les chemises hawaïiennes, est une scène d’anthologie. Mis en scène de manière alerte, sans temps mort, avec des comédiens au diapason, voici un spectacle rafraîchissant et drôle qui nous fait passer un très bon moment. Hélène Kuttner [Photos © Lot] |
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