Mécanique instable – Manufacture des Abbesses
Mécanique instable De et mise en scène de Yann Reuzeau A partir du 9 janvier 2014 Plein tarif : 24 € La Manufacture des Abbesses |
A partir du 9 janvier 2014
Stéphane, patron d’une PME, annonce un beau jour à ses salariés qu’il a décidé de vendre l’entreprise. Cette décision devient le point de départ d’un chaos créateur, au sein duquel les salariés vont s’affranchir de leur statut de subordination pour maintenir à flots le navire sous la forme d’une coopérative. Loin de simplifier la situation, cette envolée sera source de conflits, de déceptions mais aussi de réussites pour les cinq initiateurs de ce changement. L’occasion pour Yann Reuzeau, à l’image de sa brillante précédente pièce Chute d’une Nation, de mettre en scène une fiction extrêmement divertissante dans laquelle la réflexion sur les relations humaines au travail et le sens de la vie professionnelle ont la part belle. Et si les SCOP (Sociétés Coopératives et Participatives) étaient l’avenir des entreprises ? Si la traditionnelle barrière entre patrons et salariés était abolie une fois pour toutes pour laisser place à la gestion collective d’une société ? Le combat décrit dans cette pièce est noble, et le réalisme ne cède en rien à la facilité. La complexité d’une telle initiative est si bien illustrée que le constat peut en paraître amer, mais au fond Yann Reuzeau nous montre ici que c’est possible, et non utopique. Grâce à une mise en scène rythmée où les personnages et leurs interactions font sans cesse sourire et captivent, une étude du changement nous est livrée minutieusement. L’écriture, simple et maitrisée, oscille entre le registre théâtral et celui du cinéma pour un réalisme accru. Et la construction des personnages est telle que ces derniers semblent exister par eux-mêmes, sans efforts, façonnés par une plume au talent indéniable. Le sens profond d’une telle entreprise est aussi abordé ; le sens que l’on donne à son travail, la difficulté à définir les relations entre collègues lorsqu’on passe les trois quart de notre temps avec eux, les relations sentimentales qui peuvent en découler, la discrimination, ces choses que tout un chacun a pu connaître sont livrées de manière accessible dans ce huis clos professionnel. Derrière, la part d’absurdité de la course au profit n’a pas été éludée : quel est le but, quel est le sens de maintenir une PME qui fabrique et livre des objets dont l’utilité n’est même pas avouée avec clarté, certainement volontairement ? Une entreprise qui prospère est-elle une fin en soi, et les seuls objectifs chiffrés qui la définit ne sont-il pas totalement vains ? Les choses sont présentées ici d’une telle manière que l’entreprise est décrite comme un ensemble de personnes qui tentent de survivre, d’échapper au démon du chômage, sans même que soit abordée son utilité réelle pour la société. Ainsi, en creux, l’absurdité de ces machines qui crachent sans cesse de la production peut être dessinée, complexifiant encore le débat. Encore une fois, Reuzeau se montre visionnaire en abordant un sujet crucial, la vie en entreprise. Ce faisant, il touche de près le centre névralgique où des changements pourraient s’opérer pour transformer en profondeur un schéma social trop souvent douloureux. Le tout avec une excellente maîtrise de la narration et une mise en scène réjouissante. Sophie Thirion |
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