Mazel Tov, tout va mal ! Trois pièces hilarantes à l’Essaïon
Mazel Tov, tout va mal ! De Jean-Henri Blumen Mise en scène de Mariana Aaroz Avec Christian Abart, Sophie Accaoui, Francesca Congiu, René Hernandez et Yasmine Nadifi Les jeudi, vendredi, samedi à 19h30 et dimanche 18h en mai et jeudi, vendredi, samedi à 19h30 en juin Tarifs : 15 et 20 euros Réservation en ligne ou par téléphone au 01 42 78 46 42 Durée : 1h30 Théâtre Essaïon |
En hommage au grand écrivain russe Cholem Aleikhem, auteur du Violon sur le toit, Jean-Henri Blumen a composé un épatant spectacle à partir de trois courtes pièces inspirées de l’oeuvre de l’écrivain dont on célèbre aujourd’hui le centenaire de la mort. L’humour juif du théâtre yiddish, la farce, les passerelles entre le début du 20 siècle et notre actualité, tout dans ce spectacle est réjouissant, onirique et drôlement acide.
Quelques soient les mauvaises nouvelles, vous devez continuer de vivre même si cela vous tue. Cette citation de Cholem Aleikhem pourrait introduire les trois pièces composées par Jean-Henri Blumen. On pénètre d’abord dans le cabinet d’un écrivain en quête d’inspiration, Aleikhem lui-même, pour y entendre les doléances d’un visiteur éconduit par sa femme et sa belle-famille. Entre le réel et l’absurde, rêve et cauchemar, les comédiens grimés à la manière des films expressionnistes, camaïeux de noirs et de blanc, échangent bribes de conversations, borborygmes et silences éloquents, tandis qu’en toile de fond, dans des costumes clownesques et surannés, apparaissent les beaux parents très riches, le médecin satanique qui drague l’épouse alitée, tandis que le pauvre mari doit supporter ce manège odieux qui l’humilie chaque jour davantage … parce qu’il a fait un mariage d’argent ! Commérages, orgueil et rêves de réussite sociale On l’aura compris, le suc de ces dialogues et de ces pièces inspirées d’Aleikhem réside dans cette humanité misérable, studieuse et malicieuse, pourchassée par les bandes armées des milices russes et polonaises durant les terribles pogroms de Gallicie ou d’Ukraine, mais qui n’aspirait qu’à une seule chose : la paix sociale, l’étude et le bonheur familial, assuré par un bon travail. La seconde pièce, « Le collège », actualise avec beaucoup d’esprit et de malice une situation plus qu’actuelle. Un couple de parents souhaite pour leur unique rejeton le meilleur des collèges. Cours particuliers, soutien en mathématiques, dimanches studieux, rien n’est assez bon pour un surdoué qui s’ignore et dont la mère a déjà épluché l’ensemble des statistiques de réussite au bac pour tous les établissements de la France métropolitaine. Christian Abart, Sophie Accaoui, Francesca Congiu, René Hernandez et Yasmine Nadifi sont merveilleux de talent et de pétillante énergie pour incarner ces êtres excessifs et grossiers, hypocrites et jaloux, que sont des parents en quête de reconnaissance sociale, envieux de leurs cousins qui ont mieux réussi qu’eux. Tout sera donc bon, dessous de tables compris en argent liquide, pour soudoyer une directrice de collège très privé ! Des féministes face à un rabbin La dernière pièce invite le spectateur dans le local d’un magazine de minettes survoltées, en quête d’une couverture avant un bouclage. Ambiance électrique, dettes financières, idéalisme des journalistes au coeur des problèmes des femmes du 21°siècle : violences, maltraitances, prostitution et esclavage, mais aussi régimes de printemps, conseils en cas de divorces, etc. Quand survient un rabbin tout de noir vêtu, ces dames s’imaginent être les victimes d’un canular. Sérieux comme un pape, le religieux leur explique sa requête, en passant par celle de sa femme ! Le texte, finement mis en scène par Mariana Araoz, oscille entre spirituel et grotesque, déshabillant le religieux de son apparence indolore pour en gratter l’humanité dans sa banalité familière. C’est drôle, bien joué et sacrément iconoclaste ! A recommander à tous âges ! Hélène Kuttner |
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