“Mayerling” : amour, sexe et passion à l’Opéra Garnier
Créé à Londres en 1978, le soir de la Saint-Valentin, ce ballet du chorégraphe britannique Kenneth McMillan, sur une musique de Franz Liszt, retrace le destin tragique de Rodolphe, prince héritier de l’empereur d’Autriche-Hongrie François-Joseph II, qui se donna la mort avec son amante le 30 janvier 1889. Dans une atmosphère cinématographique où transpire le faste du protocole de la cour, le héros multiplie les conquêtes féminines avec un désespoir narcissique et morbide. Un spectacle fabuleux qui emporta le public pour sa première représentation avec les Etoiles Hugo Marchand et Dorothée Gilbert.
Un mélodrame transfiguré par la danse
“Seule la mort pourra sauver mon nom”. C’est la sentence que l’on a pu lire dans la lettre d’adieu rédigée par le prince Rodolphe, avant de tuer sa jeune maîtresse Mary Vetsera et de retourner son revolver contre lui-même dans le pavillon de chasse aux environs de Vienne. L’affaire, scandaleuse, sera bien vite dissimulée face à une Eglise suspicieuse, et à 31 ans, avec sa compagne qui n’avait que 17 ans, Rodolphe, malade et dépressif, disparaît de l’histoire des Habsbourg au motif d’aliénation mentale. D’autant que le prince était marié à Stéphanie de Belgique, spectatrice impuissante des frasques de son époux maudit. Pour donner corps à ce drame scandaleux, le chorégraphe Kenneth McMillan multiplie les pas de deux d’une beauté et d’une violence acrobatique, qui fait passer son héros des bras de son épouse, tétanisée par l’épouvante, à ceux de Mary, adolescente fébrile, après avoir fréquenté une demi-mondaine au style déluré, Mitzi qui devient sa confidente, et alors que son ancienne maîtresse Marie Larisch lui permet d’approcher la brûlante Mary Vetsera.
Une incarnation époustouflante
Lors de la première représentation, Hugo Marchand proposait une époustouflante incarnation de Rodolphe, embrumé dans un mal être qui le jetait au bord des larmes, alors qu’il accomplissait des solos acrobatiques et formait avec Silvia Saint-Martin (Stéphanie) et Dorothée Gilbert (Mary) un couple sulfureux, magnifié par des duos d’une violence brûlante, emprunts de classicisme mais rompus à la danse moderne avec des prises de risque maximal. D’une sensualité animale, d’une prouesse technique magistrale, la danse de McMillan nous projette dans un cinéma permanent, dont l’emphase, la grandiloquence, ne sont là que pour mieux faire transparaître la force du désir, l’aiguillon du mal-être et le tourbillon des sentiments.
Faste des costumes et des scènes de groupes
Ardente et acrobatique, sensuelle et déchirante, la danse ici se fait aussi explosion dionysiaque dans le deuxième acte quand le héros, galvanisé par l’alcool, entraîne son épouse dans une taverne emplie de prostituées. L’ambiance délurée des années folles évoque les cabarets de Berlin, les danseurs se lancent dans des numéros qui mêlent le militaire et le folklorique, la musique de Liszt multiplie les déclinaisons de nuances, viennoises ou des Balkans, militaire ou romantiques, avec violons, cors, trompettes, percussions colorées et harpes qui font flamber une énergie vitale sous la direction du chef Martin Yates. Valentine Colasante est une solaire et pétillante Mizzi, tandis que Hannah O’Neill campe une piquante et provocante Marie Larisch, dans de magnifiques robes signées Nicholas Georgiadis. Laura Hecquet incarne avec dignité la droiture de l’Impératrice Elisabeth, mère de Rodolphe, dans une mémorable scène entre mère et fils qui évoque celle d’Hamlet. Avec Hugo Marchand, prince déchirant de désespoir, la danseuse étoile Dorothée Gilbert campe une amante mystérieuse et magnétique, le corps frêle, brûlé et terrassé par la passion, d’une ardeur et d’une puissance remarquables. Un spectacle puissant et inoubliable.
Hélène Kuttner
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