Maxime Gueudet : “On a souvent tendance à considérer l’humain comme un problème et non comme une solution”
Dans le cadre d’une semaine thématique intitulée “Comment la culture change le monde” animée par Samuel Valensi, metteur en scène et comédien dans la compagnie La Poursuite du Bleu, les étudiants de 5e année de l’ICART ont accueilli plusieurs professionnels engagés dans le secteur culturel. Ils se sont notamment entretenus avec Maxime Gueudet. Coordinateur général chez Arviva, il aide les acteurs du spectacle vivant dans leur volonté de transformation écologique.
Quel est votre parcours ?
J’ai grandi à Lille. Je suis entré à Sciences Po avant d’intégrer l’Opéra Comique. Pendant quatre ans, mon poste consistait à gérer les questions sociales et éducatives.
La crise du Covid-19 est survenue et j’ai pris le temps de réfléchir sur mon activité. À ce moment-là, on a essayé de mettre en place des actions à l’intérieur du théâtre pour accompagner la transition écologique. Le système de production de l’opéra est une économie très carbonée, les temps de création sont longs et les budgets sont conséquents. On monte des décors impressionnants, utilisés une seule fois, qui finissent dans un conteneur pendant 5 ans avant d’être mis à la déchetterie.
Je me suis rendu compte qu’on marchait un peu sur la tête donc on a tiré la sonnette d’alarme avec quelques collègues. Ça s’est malheureusement terminé par l’achat de 200 gourdes pour tous les employés. On a donc pensé que le secteur n’était sûrement pas encore prêt à changer et qu’il n’y avait pas d’accompagnement pour réaliser ces changements.
J’ai donc décidé de partir et de me reformer avec un master en Transition et Transformation Socio-Économique. J’ai étudié les leviers humains de ce sujet, assez précurseur car on a souvent tendance à considérer l’humain comme un problème et non comme une solution.
Voulant absolument rester dans le domaine culturel, j’intègre alors Arviva en tant que bénévole, en aidant à la rédaction d’un manifeste. Ensuite, nous avons pu recueillir assez de partenaires financiers pour que je puisse rejoindre l’association de manière permanente depuis novembre 2021.
Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur Arviva et ses missions ?
Arts vivants-Arts durables est née du constat que le spectacle vivant à un rôle majeur à jouer pour faire face aux enjeux environnementaux. L’association à été fondée il y a deux ans par deux professionnels du spectacle vivant unis par la volonté de repenser les pratiques quotidiennes de ces métiers. Notre objectif étant de cataloguer les bonnes actions possibles afin d’identifier des alternatives concrètes et durables à développer.
On s’est donné plusieurs missions, en commençant par accompagner la transition écologique du spectacle vivant. En suivant les travaux du Shift Project, on mesure alors l’impact environnemental du secteur à travers un calculateur environnemental. Pour savoir alors où agir, mais aussi pour permettre aux subventionneurs de mieux répartir les aides aux structures culturelles en fonction de leur impact climatique et écologique.
La formation des acteurs du secteur est aussi un gros enjeu pour savoir où sont les impacts, comment les éviter et les réduire. Cela va demander, dans les années à venir, un travail de formation soit en initiale ou professionnelle afin de former les professionnels du spectacle vivant sur des aspects spécifiques de la transition écologique, en ajoutant de l’information et de la sensibilisation. L’idée étant aussi de donner des clés pour l’auto-formation, avec la mise à disposition de ressources.
Enfin, l’accompagnement de Arviva passe également par la fédération des initiatives individuelles, collectives ou syndicales. Le but étant de reprendre le retard accumulé sur ces questions en travaillant activement à fédérer toutes les bonnes initiatives et à “faire collectif”. Cette énergie collective permet aussi aux compagnies assez installées qui font ça depuis des années de se sentir moins seules et de donner envie aux autres de se lancer.
Quelles sont les ressources mises à disposition des adhérents ?
Le premier élément mis en place à été le Guide pour l’action. Constamment mis à jour, il constitue un répertoire d’actions favorables à la transition écologique à instaurer dans les structures. Le but à terme étant de le relier au calculateur afin d’associer une action à un résultat chiffré. Il permettra par exemple de calculer la réduction de l’impact carbone lorsque l’on favorise les trajets en train plutôt que ceux en avion.
Le second outil mis à disposition des adhérents est celui de la veille informative. Il constitue une compilation de plus de 300 références en termes de labels, réseaux partenaires, prestataires techniques, formations ou autres initiatives existantes en faveur de la transition écologique du domaine.
Pour terminer, L’annuaire propose une liste de prestataires éco-responsables et engagés prêts à accompagner les professionnels dans leur missions quotidiennes. L’objectif est la conduite des membres dans la mutualisation des ressources afin de développer une économie circulaire, qui implique par exemple des achats collectifs, la mutualisation de certains postes et des apports en industrie. Cela inclut également de travailler en accord avec l’idée d’économie de fonctionnalité qui favorise en autres la location plutôt que l’achat et la maximisation de la durée de vie des objets.
Concernant la mutualisation des décors, si nous créons moins de décors est-ce que cela ne créerait pas un manque pour la profession dû à la baisse de travail ?
La question n’est pas si autant ou moins d’emploi mais plutôt de faire des emplois de meilleure qualité. Aujourd’hui le travail d’un décorateur est une course effrénée à la production de nombreux décors spectaculaires. Au contraire, avec le réemploi des matériaux cela permettrait de penser leur métier autrement et non leur rajouter des contraintes.
Une des solutions possible serait qu’un même scénographe réalise avec un décor de base 3 ou 4 décors à la fois. Ce qui ferait que pour l’exploitation de ces pièces il y aurait juste quelques éléments qui changent. Cela permettrait un emploi de meilleure qualité et une pratique durable.
Est-ce que vous avez la sensation qu’un changement pour la transition écologique est en cours dans le spectacle vivant ?
En réalité, ce sont toutes les actions des structures qui font que les choses bougent, c’est pour cela que notre nombre d’adhérents est important. Aujourd’hui nous avons 200 adhérents, c’est cela qui compte et qui fait bouger les choses.
En effet, c’est en se regroupant que l’on avance plus vite c’est pour cela que les lieux comme La Maison des Métallos ont leur importance car ils agissent tout en donnant de la visibilité à nos actions, notamment en accueillant Les Rencontres d’Arviva en décembre dernier.
Propos recueillis par Emma Balma, Mélodie Brouez, Camille Hugues, Léa Johanny, Elise Lévêque et Marc Sapin
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