Magic Wip Saison #2 à la Villette : la magie dans tous ses états
Toujours habités par nos rêves d’enfant, nous voilà à la recherche de prestidigitateurs. Mais on nous parle de « magie nouvelle ». Enquête à l’occasion de Magic Wip Saison #2 qui se poursuit à la Villette jusqu’au 11 mars.
Prestidigitateur, magicien, mentaliste, hypnotiseur, transformiste… quelles différences ? Tous ces termes ne recouvrent pas les mêmes pratiques. Pourtant, ils font partie de la « magie nouvelle », qui se distingue par son rapport à la tradition.
Pour mener à bien cette enquête, nous sommes accompagnés d’Hervé qui nous confie : « Enfant, j’étais fou de magie et voulais en faire mon métier. Un jour, ma mère m’emmena voir Gérard Magax. J’ai tellement été ébloui par son spectacle, que j’ai réussi à braver la vigilance des adultes pour me faufiler jusque dans sa loge. J’ai eu un de ces toupets et j’étais fier car, épaté, le magicien m’a encouragé ! ».
Cette star bien connue de toute une génération a présenté, entre 1970 et 1990, de nombreuses émissions à la télévision et créé une foultitude de coffrets de prestidigitation. En 2007, Gérard Magax a même fondé les éditions Abracadabra. Ce que l’on sait moins, c’est qu’il a aussi consacré beaucoup de temps à développer l’esprit critique. Par exemple, il est souvent intervenu comme démystificateur, lançant un Défi au Paranormal et se battant, aux quatre coins du monde, pour établir la vérité sur les croyances induites par certains charlatans et gourous, voire organisations sectaires.
Le Phalène / Thierry Collet, à l’origine du Magic Wip
Thierry Collet pourrait en être le digne successeur, même s’il invoque d’autres maîtres : Jean Merlin, Michel Fontaine… En tout cas, il nous accueille aujourd’hui au Magic Wip, la fabrique de magie de la Villette, un lieu bien chaleureux en cette période hivernale. À l’origine du projet lancé en 2018, c’est en effet Thierry Collet qui bâtit la programmation, avec Le Phalène, sa compagnie, partenaire de la Villette dans le développement du Magic Wip.,
Grâce à son parcours, Thierry Collet a amené la prestidigitation dans les théâtres. Après la visite, il nous explique qu’il envisage ce lieu, à la Villette, comme un véritable carrefour, avec les contraintes de cet espace, à l’origine non prévu pour recevoir des spectacles, qui a donc fait l’objet d’aménagements : « L’idée est de créer, à La Villette, lieu pluridisciplinaire par excellence, le Magic Wip où toutes ces pratiques se rencontrent et où l’on fabrique des projets, des formes performatives, des résidences, des compagnonnages. C’est une maison ouverte, un lieu de ralliement de la communauté magicienne, où des artistes peuvent prendre des risques et le public venir pour plein de raisons différentes ».
On a du mal à imaginer ici les grands numéros de music-hall ou les expériences sensorielles aux frontières de la magie, comme celles proposées par la compagnie 14 : 20. En effet, ces dispositifs plastiques où les lumières nimbent la scène de mystère nécessitent des plateaux adaptés.
En revanche, le close up (spécialité qui consiste à se produire très près des spectateurs), grande tendance de ces dernières années, trouve ici toute sa place car la promiscuité permet de voir quelques miracles en gros plan. Jeux de cartes et propositions insolites peuvent également y être programmés. Parmi les surprise de cette deuxième saison : spectacles insolites, work-in-progress, conférences, ateliers, apéro mental et bien d’autres choses.
Une petite exposition, dans le hall, permet de s’y retrouver dans cet art foisonnant. Mis à disposition par Le Centre de recherche et ressources du CNAC (centre national des arts du cirque de Châlons-en-Champagne), les panneaux retracent les grandes évolutions, depuis les origines jusqu’à aujourd’hui (lire plus sur l’exposition ici).
Cette plongée dans l’histoire rafraîchit la mémoire d’Hervé : « Allons-nous y retrouver le fameux Magax ? », demande-t-il, fébrile. Il ne s’agit pas ici du « cercle des magiciens disparus », mais d’un rendez-vous où la relève est mise à l’honneur. Toutefois, peut-être ce maître de l’ancienne époque sera-t-il dans le public ?
Une programmation éclectique
Magic Wip Saison #2 est donc le reflet de l’extraordinaire vitalité de la discipline en France et dans le monde, tous courants confondus. Pendant quatre mois, les pointures de la scène française et internationale se côtoient ; on nous apprend l’histoire de la magie ; on peut s’initier à la prestidigitation, échanger ses derniers tours.
Cette année, la magie sensorielle est mise à l’honneur, avec des spectacles et des performances qui font appel à l’ouïe, au toucher et au goût : From the Dark, Le Barman du diable, Les Murmures ont des oreilles. Quant au close up, il a la part belle dans les Magic Nights. Outre quelques champions à ne pas rater, on repère plusieurs spectacles intéressants du Phalène : Vrai / Faux (rayez la mention inutile), le Barman du diable et Dans la peau d’un magicien. (voir la programmation détaillée ici).
Créations et savoir-faire
Effets saisissants et images inouïes vont donc se succéder : un poisson rouge surgi d’un billet, des rois de cœur et as de pic. Des experts excelleront en tours de passe-passe et numéros bluffants. Mais la dextérité ou la technique affûtée ne suffisent pas. On se laisse volontiers séduire par des personnalités. Car un artiste ne se définit-il pas par son tempérament et sa créativité ? Cette dernière est débordante, pour certains, singulière pour d’autres. Ici, nombreux seront les artistes à se démarquer.
Guilhem Julia, magicien et maître de conférences à l’université de Paris XII, nous le rappellera dans sa conférence : chaque création est fragile. C’est un travail de longue haleine. Chaque tour exige de longues heures de préparation, parfois des années d’entraînement. D’où l’importance de protéger juridiquement ses secrets, y compris de mise en scène, ses effets et la façon de les présenter. Cet artiste atypique se bat pour faire respecter les droits de ces auteurs particuliers.
La magie : une traversée des apparences
Entre cette conférence un peu spéciale et les autres propositions, on découvre effectivement tout un monde. Qu’il s’agisse des pouvoirs de la parole ou de l’image, les spectacles résultent d’écritures, y compris lorsque des numéros se succèdent. Les magiciens endossent les costumes de personnages, créent des ambiances, choisissent des mots précis, composent. Dramaturgie du corps ou de l’objet, école du texte… les démarches sont plurielles et passionnantes. Le public peut tout aussi bien être surpris, enchanté, épaté, voire bousculé. L’essentiel étant d’accepter de basculer dans l’extra-ordinaire, de perdre tous ses repères, sans forcément chercher à comprendre.
Alors, on se tourne vers Hervé qui hallucine depuis son arrivée. Il n’a pas retrouvé Gérard Magax, mais ce n’est pas grave car il n’a pas finit de rêver. Et il emporte avec lui quelques kits de magicien pour reprendre l’entraînement. C’est sûr, il reviendra à la saison #3.
Sarah Meneghello
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