Luigia Riva, chorégraphe et plasticienne du mâle
Innesti De Luigia Riva Avec Benoît Maréchal, Du 1er au 10 décembre 2016 Tarifs : 8 € – 35 € Réservation Durée : 1h10 Chaillot, Théâtre National de la Danse M° Trocadéro |
Du 1er au 10 décembre 2016 À Chaillot, l’Italienne présente Innesti, où les corps des danseurs ont de drôles d’excroissances et deviennent une œuvre d’arts plastiques en permanente transformation. Luigia Riva, chorégraphe radicale, s’intéresse aux représentations des genres. Dans ses étonnants spectacles, elle leur tend des pièges facétieux. Avec Innesti, le public est autant scotché que les danseurs. Appelez ça comme vous voudrez : des boules, des boudins, des excroissances, des exo-muscles, des armures, des greffes (innesti, en italien)… Augmentés d’ajouts difformes, les corps des quatre danseurs forment quelque chose comme une caricature moquant certaines images d’Épinal d’une masculinité formatée. Le rugbyman, par exemple. Le gladiateur, le Minotaure… Sculpture dansée Innesti se décline en plusieurs tableaux et commence par une image de magma cosmogonique où les ajouts brouillent la perception. Où commence un corps vivant, où rentre-t-on dans l’excroissance qui le déforme ? Ensemble, la chair et le scotch forment un magma originel, épais et tenace. Pendant longtemps, on guette en vain quelques signes d’anthropomorphie. Les greffes prennent le dessus, les corps sont dissimulés dans une sculpture tentaculaire et enroulée sur elle-même, baignée dans une lumière verdâtre qui accentue le mystère et crée des images à la Tarkovski. Riva tient là une œuvre dans l’œuvre, une sculpture, une installation… Un soupçon de surréalisme D’autres tableaux ne sont pas en reste. Quand chacun se présente en solo, comme dans un studio photo ou pour un défilé de mode, la masculinité est exacerbée. Mais les corps semblent se dissoudre comme si le chorégraphe-plasticien s’appelait Salvador Dali. En travaillant sur le dur, on arrive au difforme… En effet, Riva est ici plasticienne, au moins autant que chorégraphe. Les brillants danseurs, dont Nans Martin et Camille Ollagnier, se meuvent comme des poissons dans l’eau. Un paradoxe, puisque, dans la société que Riva remet en question, tout est fait pour offrir aux hommes un maximum de liberté de bouger. Surpuissance corporelle Innesti est une réplique à la pièce précédente de Riva, Inedito 2, duo féminin où la chorégraphe scotche les bras ou les jambes des interprètes pour créer une métaphore de la condition féminine dans la société actuelle. La femme ligotée interroge, comme l’homme en apparente surpuissance corporelle, les stéréotypes des genres qui formatent les identités sexuées. Dans les deux pièces, le scotch brun est le même, pour refléter, au figuré comme au concret, le regard normatif sur les genres. Seconde peau À la fin, un cinquième homme monte sur le plateau, en sortant des rangs des spectateurs. Il contemple les armures laissées au sol par le quatuor qui vient de sortir, dénudé. Lui aussi se dévêtit et tente de se glisser dans un élément de cette étrange seconde peau. Voilà tout un ersatz d’identité dans lequel il cherche à trouver sa place. La condition pour se sentir homme ? Peut-être, et plus encore. Axel Léotard est transgenre (il est aussi l’auteur du livre Mauvais genre) et met dans la balance sa différence et son individualité, face à une identité masculine schématique et artificielle. Thomas Hahn [Photo 1 © Luigia Riva / Photos 2 et 3 © Stéphane Bellocq] |
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