“L’Oiseau vert”, une explosion de plaisir
C’est une véritable féérie qui se déroule actuellement au Théâtre de la Porte Saint-Martin. Le conte délirant de Carlo Gozzi est mis en scène avec brio par Laurent Pelly avec une troupe d’acteurs effervescents. À savourer en urgence.
Une fable de tous les possibles
Concurrent de Goldoni qu’il n’aimait pas, Carlo Gozzi s’inspire de sa ville natale, Venise au XVIIIe siècle, pour écrire une histoire totalement délirante qui se joue de la philosophie, de la magie, de la comédie sociale avec un ton croustillant et une langue faussement naïve qui plonge aux racines de tous les contes pour enfants avec la crudité de Shakespeare. Tartaglia, roi hypocondriaque et geignard, revient de guerre après 18 années avec le désir de retrouver femme et enfants. Sa femme, Ninetta, a été enterrée vivante sous l’évier des cuisines par l’horrible Tartagliona, la mère du roi, sorcière jalouse, et ses enfants confiés à un couple de charcutiers sans foi ni loi par le Premier ministre, Pantalone, infatué et lâche.
Une philosophie qui se moque d’elle-même
Dans la succulente traduction d’Agathe Mélinand, le texte de Gozzi prend son envol grâce au traitement féérique et artisanal de Laurent Pelly qui place, comme toujours, le corps de l’acteur au centre du spectacle. Cette fois, pas besoin de haute technologie et de vidéos animées, de rayons laser et de 3D : la dizaine de techniciens de cet énorme plateau en forme de vagues qui roulent fait glisser les cordages et descendre les cintres, les ourlets géants de cette voile blanche découvrent des personnages en chair et en os, qui vont nous hypnotiser de leur verve et de leur ironie. Les lumières de Michel Le Borgne diffusent des teintes bleutées ou orangées selon les fantaisies de ce voyage initiatique mozartien.
Acteurs palpitants
Il faut saluer la performance d’une très grande comédienne, Marilú Marini, dans le rôle de Tartagliona la sorcière. Dans sa capeline noire, armée de son bâton et chaussée de godillots (costumes Laurent Pelly), la créature baveuse et monstrueuse sortirait tout droit d’un film de Tim Burton ou d’un épisode d’Harry Potter, grimaçante et perverse. Georges Bigot se plaît et nous réjouit dans le personnage grotesque de Truffaldino, tandis que Pierre Aussedat joue Brighella. Les jumeaux, Jeanne Piponnier et Antoine Rafalli (Barbarina et Renzo), Emmanuel Daumas (Tartaglia) qui se déplace encadré dans une toile de peinture et Nanou Garcia, épatante dans Smeraldine, et tous les autres artistes sont épatants de drôlerie et de fantaisie, évoluant sur ce plateau à l’inclinaison dangereuse en courant, tombant ou trépignant de colère. L’histoire possède d’ailleurs une chute particulièrement sage, à notre époque qui multiplie la course aux désirs toujours inassouvis. C’est merveilleux.
Hélène Kuttner
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