“Liliom ou la vie et la mort d’un vaurien” à l’Odéon
Liliom ou la vie et la mort d’un vaurien De Ferenc Molnar Mise en scène de Jean Bellorini Avec Julien Bouanich, Du 28 mai au 28 juin 2015 Durée : 2h Tarifs : de 6 à 34 € Réservation en ligne Théâtre de l’Odéon M° 13 et RER C |
Jusqu’au 28 juin 2015
Jean Bellorini et sa troupe d’acteurs musiciens célèbrent l’écrivain hongrois Ferenc Molnar par un spectacle poétique et désenchanté, autour d’une fête foraine, qui conte les déboires d’un jeune couple dans la banlieue de Budapest en 1909. À un siècle de distance, Molnar semble avoir déjà tout saisi de la société actuelle. Quel souffle ! Entre terre et ciel Liliom est un voyou, une petite frappe dirait-on aujourd’hui, qui porte sa gueule d’ange là où l’intérêt le conduit. Voilà que dans le manège où il travaille, et devant les yeux de la patronne avec laquelle il fricote, se pointe Marie, une jeune fille provocante, malicieuse et totalement subjuguée par le charme du jeune vantard. Une fois mise enceinte, la jeune fille subit les emportements et la violence de Liliom, qui se retrouve au chômage et qui cherche un moyen de s’en sortir en braquant un caissier. Trop tard, trop vite, il rate son coup et le paye de sa vie du même coup. Envoyé au purgatoire où on l’enjoint de se racheter, le héros ne saisit même pas sa chance et continue de battre sa femme devant sa fille. Perdu à tout jamais, incapable de lutter autrement qu’avec l’instinct d’un animal pris au piège, Liliom incarne cette figure actuelle d’anti-héros confronté à l’absurde de ses actes, incapable de verbaliser et de négocier avec le réel, soumis à ses lâchetés et à ses faiblesses récurrentes. Une mise en scène distanciée Pour ce premier spectacle inaugurant son mandat de directeur du TGP à l’automne dernier, et repris aujourd’hui à l’Odéon, Jean Bellorini a imaginé une scénographie très impressionnante, un manège d’auto-tamponneuses qui occupe le centre du plateau, encadré d’un côté par une baraque de foire et de l’autre par une caravane de forains. Hugo Sablic, le batteur, annonce les didascalies qui introduisent chacun des huit tableaux avant que ses camarades musiciens et lui-même ne se lancent dans des orchestrations populaires et coquines. Brecht n’est pas très loin, qui colle avec l’aspect fragmentaire et sociologique de la pièce, rappelant les fables du début du siècle d’Horvath avec ses personnages pris en étau entre l’armée et la pauvreté. Surfant sur la mélancolie et le burlesque, la souffrance et la dérision, Julien Bouanich incarne Liliom, fragile et fébrile, tandis qu’Amandine Calsat est Marie, franche et dure, vibrante comme un énorme cœur qui palpite. Ces deux-là semblent naviguer à vue sur les braises d’un volcan, l’un tirant vers la sédentarité bourgeoise, l’autre vers une Amérique prometteuse et chimérique. Jacques Hadjaje, qui joue alternativement deux vieilles femmes ainsi que le secrétaire du purgatoire, réussit des compositions saisissantes, formidablement drôles et poignantes. Delphine Cottu (Madame Muscat), Julien Cigana, Teddy Melis, Clara Mayer, Marc Plas, Sébastien Trouvé et Damien Vigouroux campent les autres personnages de cette fable qui sont comme des insectes virevoltants et éblouis par une lumière crépusculaire. La scène du purgatoire, claire et fantastique, est de ce point de vue particulièrement réussie. Hélène Kuttner [Photos © Pascal Victor et Pierre Dolzani] |
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