L’Homme qui rit & Renzo le Partisan – Théâtre Gérard Philipe
Les deux pièces, jouées en l’espace de trois heures, font, en vérité, partie d’une trilogie, la Trilogie de la critique. Elles s’emparent chacune de faits réels et historiques et interrogent les valeurs fondatrices de la démocratie.
L’Homme qui rit s’appuie sur un événement qui bouleversa l’histoire italienne récente : l’enlèvement et l’assassinat du secrétaire de la Démocratie Chrétienne Aldo Moro par les Brigades Rouges, en 1978. Crime dont Antonio Negri fut accusé avant d’en être totalement blanchi, mais qui lui valut un certain nombre d’années d’emprisonnement.
Cette pièce, nous dit-on, affronte à la fois le thème de la corruption du pouvoir et celui du glissement d’une volonté de changement et de révolution, née dans les luttes, parfois très dures, pour la liberté et le droit au bonheur, vers ce que l’auteur perçoit comme l’impasse morale et politique que représente le geste de mise à mort d’un homme.
L’histoire se déroule dans les années 1970 et met en scène un homme politique qui fait corps avec la haute fonction publique dont il est issu. En serviteur loyal de l’État, il «s’arrange» avec la crise économique, la corruption et la violence étatique qu’il exècre dans son for intérieur, sans pour autant s’y opposer fermement pour ne pas compromettre la voie réformiste qu’il s’efforce de poursuivre. Enlevé avant d’être séquestré, il est finalement condamné à mort par un groupe révolutionnaire qui organise son procès devant un « tribunal populaire ».
La sentence ne sera pas exécutée sur scène car l’essentiel est ailleurs, en l’occurrence dans la relation qui se noue entre l’homme d’État et le jeune ravisseur chargé de sa surveillance, rôle incarné par la comédienne Julie Pilod. Au fil de cet échange, l’auteur déplace ainsi les frontières entre ses protagonistes qui bénéficient l’un et l’autre de sa bienveillance. La sincérité de leur sentiment finit, en effet, par les rapprocher, nonobstant les contingences historiques et les rapports de classe. Et la pièce se fait apologie de l’amour en politique.
Mais autant le dire franchement, l’essentiel du spectacle consiste en un long et fastidieux monologue prononcé par le personnage principal alias Carlo Brandt. Les disciples de la philosophie critique d’Antonio Negri seront sans doute rassurés d’entendre un florilège des grandes notions et idées qui leur sont devenus familières à la lecture de ses nombreux essais. Les autres spectateurs sortiront, très probablement, assommés par la logorrhée et l’intarissable litanie de grand mots qui caractérisent la pièce : impérialisme américain, affairisme, corruption, capital, etc.
Comme pour signifier que le principal réside ailleurs, Barbara Nicolier a voulu une mise en scène extrêmement sommaire : pour tout décor donc, une table, un tapis et, surtout, un immense écran de projection qui sépare (éloigne ?) les spectateurs de la scène et sur lequel sont constamment projetés photographies, extraits de films d’archives et images, ô combien plus étranges et explétives, des deux comédiens. Quoique insolite, le dispositif n’apporte rien de pertinent à la pièce. Bien au contraire, il irrite un peu plus le spectateur, pour autant que cela soit possible.
De ce fiasco résultant de l’échec d’Antonio Negri à transposer sa pensée philosophique en œuvre théâtrale convaincante, émerge tout de même un comédien remarquable, Carlo Brandt. Mais, si ce dernier parvient à convaincre le spectateur dans son personnage d’homme d’État, il ne le dissuadera pas de s’éclipser dès l’entracte dans un acte de résistance à l’accablement que l’auteur comprendra aisément comme l’expression éloquente de sa liberté de jugement.
L’homme qui rit / Renzo le partisan
D’Antonio Negri
Mise en scène de Barbara Nicolier
Jusqu’au lundi 28 novembre 2011
Du lundi au vendredi à 19h30 (relâche le mardi)
Le samedi à 18h et le dimanche à 16h
Tarifs : de 6 à 22 euros
Durée : 2h55
Théâtre Gérard Philipe
Salle Jean-Marie Serreau
59, boulevard Jules Guesde
93200 Saint-Denis
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