Lettres de la Religieuse portugaise – Théâtre de l’Ile Saint-Louis – Paul Rey
Dans cette adaptation de la fameuse série de lettres, à jamais anonymes, l’interrogation sentimentale résonne avec pertinence et insistance, sur un chemin tracé avec ferveur et sagesse Grâce à l’écriture, une femme se détache de l’obsédante image d’un être aimé, mais perdu. Tout au long de sa lente reconstruction, il est question de ce qui nous constitue – de douleurs, de désirs, de transports, de justice…
Sobre et poétique à la fois, la mise en scène de Teresa Motta joue l’apaisement et l’harmonie, alors que l’énergie de Marie Plateau éclaire chaque étape de l’évolution sentimentale. De « j’aimerais mieux souffrir davantage que vous oublier » à « je vous écris pour la dernière fois », en passant par « si je vous aimais autant, ne serais-je pas déjà morte », elle dessine subtilement les différents états d’âme dans l’affrontement d’une déception amoureuse. Ténébreuse ou lumineuse, résignée ou combative, tellurique ou aérienne, elle donne à l’écriture du XVIIe siècle un souffle intemporel.
Lettre par lettre, la « pauvre Mariane » se libère, après avoir écouté un chant judéo-espagnol interprété par Jean-Paul Moatti. Ne dit-on pas que les Lettres auraient peut-être été écrites par un homme? Et si la religieuse avait été authentique, mais son amour fantasmé? Cette écriture est-elle le fruit de la maturité ou de l’élan juvénile? Jouant, de façon fort musicale, sur ce chant des possibles, la Religieuse et son « auteur » se renvoient les phrases ou les entonnent ensemble, comme en jouant du piano à quatre mains. Et le monologue épistolaire devient dialogue entre créateur et créature.
Que les Lettres soient authentiques ou fictionnelles, leur première publication date de 1669, tout juste quatre ans après la création du Dom Juan de Molière. Il était alors fort à la mode de pointer du doigt le séducteur libertin. La Religieuse, abusée et trahie, abandonnée dans son « malheureux cloître », ne menace-t-elle pas: « Je vous livrerai à la vengeance de mes parents ». Pour un festin de quelle nature?
Auteur et Religieuse terminent sur un dernier unisson : « Je crois même que je ne vous écrirai plus. » Qui a écrit à qui ?
Thomas Hahn
Lettres de la Religieuse portugaise
Mise en scène de Teresa Motta
Avec Marie Plateau et Jean-Paul Moatti
Les 16, 23 et 26 avril 2013 à 18h30
Plein tarif : 15€ // Etudiants de moins de 25 ans, avec une carte : 10€
Réservation : 01.46.33.48.65
Théâtre de l’Ile Saint-Louis – Paul Rey
39, quai d’Anjou
75004 Paris
M° Pont Marie
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