Les Vaisseaux du cœur – Théâtre du Petit Montparnasse
Les Vaisseaux du cœur De Benoîte Groult Mise en scène de Jean-Luc Tardieu Adaptation de Josiane Pinson Avec Josiane Pinson et Serge Riaboukine A partir du 4 février 2014 Réservations par tèl au 01 43 22 77 74 Durée : 1h20 Théâtre du Petit Montparnasse |
Le triomphe de l’amour
Un texte splendide d’une crudité qui fit scandale à sa parution mis en scène avec une immense pudeur et beaucoup de romantisme. Serge Riaboukine et Josiane Pinson forment un très beau couple de théâtre pour cette histoire d’un amour fou, inconditionnel et fusionnel au-delà de tout. Ils se sont connus adolescents en Bretagne. Lui, marin pêcheur, elle, petite bourgeoise intello parisienne en vacances. Tout les oppose. Ils vont pourtant s’aimer. A la folie. Passionnément. Clandestinement. Lui va se marier mais voyager. Elle aussi, puis divorcer et forcer le destin pour que leurs chemins deviennent carrefour le temps de retrouvailles aussi sporadiques qu’intenses. Leur carte du tendre ? Une mappemonde. La planète comme nid de leurs amours. En trente ans, ils se verront une demi-douzaine de fois. A Dakar. A Vézelay. En Floride. Aux Seychelles. Parfait pour que leurs « premières nuits ne ressemblent jamais à la dixième ». Parfait surtout pour un couple qui trouve dans la sexualité toute la force de son amour. Un amour hors normes, hors des conventions sociales. Libre. Sorti en 1988, le roman de Benoite Groult, féministe affirmée, provoque un scandale. Jamais la sexualité n’avait été abordée avec autant de frontalité, de crudité anatomique de la part d’une femme. La plume de l’écrivain ne casse pourtant pas devant ce que les pudibonds considèrent comme des écueils au romanesque de son œuvre, elle se fait même poétique, romantique mais directe. Comme si le personnage féminin s’appropriait le langage de son rustique bonhomme pour mieux symboliser leur fusion totale, parfaite, inaltérable. Aimer jusqu’à la déraison… Sur le thème pourtant éculé des opposés qui s’attirent, la vénérable septuagénaire (à l’époque de la parution, elle à aujourd’hui 94 ans) tisse une folle histoire d’amour et de sexe. Une histoire où les corps se reconnaissent, pas les cerveaux. Une histoire où chacun se veut, se désire mais surtout une histoire fortement empreinte de libération sexuelle chez la femme. L’héroïne s’appelle d’ailleurs George, en hommage à Sand bien sûr, et, en dépit de son attirance pour cet homme dont elle aime tout, sa rusticité, sa violence, son accent, elle veut rester elle-même. Aimer jusqu’à la déraison mais pas à en perdre la raison… A cette force réaliste du texte, la scénographie oppose quelque chose de plus vaporeux. De longs voiles (longues voiles ?) descendent à la verticale qui suggèrent successivement les draps des étreintes, les brumes des quais, les écumes caressantes de la mer, conférant au dispositif scénique une douceur ouatée, un contrepoint de pudeur que renforce les éclairages tout en délicatesse du maître Rouveyrollis. En dépit d’une mise en scène au découpage un peu trop hachuré, les deux comédiens livrent une composition d’une belle sobriété. Adaptatrice du texte, Josiane Pinson, narratrice et personnage principal, possède cette grâce quasi aristocratique qui lui permet de tout dire sans grossièreté ni vulgarité. L’intelligence de son jeu conjuguée à celle de son partenaire Serge Riaboukine, excellent comédien au cinéma (vu chez Salvadori notamment), qui est un Gauvain plus vrai que nature, rend à cette histoire d’amour fou toute sa tendresse. Leur couple fonctionne à merveille, fait rire, émeut. On croit sans ambages à cette liaison hors norme, palpitante, trépidante. On largue les amarres à bord de ces vaisseaux-là. Avec délectation. Avec jouissance… Franck Bortelle [Photo : Ingrid Mareski] |
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