Les Tentations d’Aliocha – Théâtre de l’Aquarium
C’est une sacrée gageure que de porter un roman de Dostoïevski à la scène, qui plus est un de ses « cinq éléphants » ainsi que les nomme le cinéaste Vadim Jendreyko auteur du documentaire La Femme aux cinq éléphants. Les Frères Karamazov, dernier roman de Dostoïevksi, est un foisonnement de questionnements sur Dieu et la moralité à travers une intrigue tournant autour des trois fils d’un homme sans principes qui finit assassiné par l’un d’entre eux.
Souvent adapté au cinéma, Dostoïevski intéresse moins les gens du théâtre, sauf dans ses nouvelles (Le Rêve d’un homme ridicule, Le Joueur ou encore Douce). La matière, dense, des romans fait peur tout autant que la nécessité de choisir dans ce génial magma ce qui pourra passer sur une scène. En deux heures et demi, Guy Delamotte propose une version tout à fait solide au regard des mille cinq cents pages du matériau littéraire. Sa mise en scène prend toutefois des libertés pas toujours très heureuses.
A la densité certaine du propos dostoïevskien qui navigue entre psychologie et métaphysique, le metteur en scène à rajouté la sienne, déballant une débauche d’effets sonores et visuels qui noient le texte dans la pourtant très bonne traduction du spécialiste André Markowicz. Ne sont pas non plus évitées les scènes d’hystérie et de beuveries sans lesquelles il semble impossible d’adapter un roman russe, qui plus est de Dostoïevksi. Nous sommes ici plus près de Zulawski (qui adapta « Les Possédés » au cinéma avec tout le déploiement de hurlements dont il a le secret) que de Chantal Morel dont les adaptations du romancier russe se situent toujours dans un registre d’élocution normale.
Enfin l’interprétation s’avère assez inégale. Si Timo Torikka et Véra Dahuron excellent et dominent très largement par leur phénoménale puissance de jeu, le reste de l’équipe peine à convaincre, en particulier David Jeanne-Comello et Catherine Vinatier. Un ensemble donc assez disparate, pas foncièrement mauvais, loin de là, mais qu’on aurait souhaité plus modeste, plus ancré dans son siècle (ces foutus anachronismes pour faire moderne à tout prix !) et sans cette débauche de fric tellement éloignée de l’univers des héros de Dostoïevski… Et de Dostoïevski lui-même !
Franck Bortelle
Les Tentations d’Aliocha
D’après Les Frères Karamazov de Dostoïevksi
Traduction : André Markowicz // Adaptation : Véro Dahuron et Guy Delamotte
Mise en scène de Guy Delamotte
Avec Véro Dahuron, David Jeanne-Comello, Anthony Laignel, Gilles Masson, Timo Torikka, Catherine Vinatier
Participation de Piotr Semak du Théâtre Maly de Saint-Pétersbourg et de Laura Malmivaara du Théâtre Kom d’Helsinki
Jusqu’au 24 mai 2013
Du mardi au samedi à 20h30
Le dimanche à 16h
Réservations : 01.43.74.72.74
Durée : 2h30
Théâtre de l’Aquarium
La Cartoucherie
Route du Champ de Manœuvre
75012 Paris
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