“Les Sœurs Bienaimé”, une délicieuse romance théâtrale
Pour Valérie Lemercier et Isabelle Gélinas, sœurs de sang sur la scène, Brigitte Buc a composé une très belle comédie sur les affres de la famille et les liens indéfectibles de la sororité. Patrick Catalifo s’est adjoint en amoureux des deux sœurs et l’addition de ces quatre talents est une vraie réussite.
Drame dans la bergerie
Nous sommes en plein dans les montagnes cévenoles, où les biquettes aiment à brouter et donnent du bon lait pour fabriquer des fromages odorants. Dans une bergerie au toit ouvert sur le ciel, aux portes et aux fenêtres jouxtant les champs, superbe décor aux teintes pastelles de Jean Haas, vit l’ami de toujours joué par Patrick Catalifo, acteur d’un naturel confondant. Il est berger ou homme à tout faire, et il connait et aime les soeurs Bienaimé depuis leur tendre enfance. L’ainée, Michelle, campée par Valérie Lemercier, lui loue la bergerie familiale et habite en famille à quelques kilomètres. La cadette, Pascale, jouée par Isabelle Gélinas, revient au bercail, alors qu’elle est partie vivre à Paris depuis très longtemps. Quand Pascale, allure d’adolescente évanescente, débarque dans la bergerie pour une raison inconnue, sa sœur Michelle, qui a hérité de la rudesse du climat un caractère de chien et une méfiance de loup, l’accueille plus que froidement. A la détresse, la fragilité de Pascale, Michelle oppose une fin de non recevoir, quand Pierre, l’ami débonnaire, retrouve celle qu’il a toujours aimée.
Je t’aime moi non plus
La force du texte de Brigitte Buc, derrière sa fantaisie et son humour décapant, est d’aller fouiller au coeur des scories familiales pour en tirer le suc de la haine et de l’amour. Derrière l’animosité et les chamailleries de ces quadragénaires qui se battent comme si elles avaient quinze ans, se nichent une passion dévorante, un amour indéfectible, une tendresse qui ne dit pas son nom. Et on comprend que Pascale, la tendre délirante, la presque suicidée qui se shoote aux calmants, a dépassé les bornes de la bonne conduite pour échouer parmi les chèvres. Et que Michelle, aux allures de garçon manqué responsable de tous, a souffert du départ de sa petite soeur qu’elle aura élevée comme une mère, la vraie étant démissionnaire. Valérie Lemercier est formidable d’énergie et de rage contenue dans le rôle d’une soeur aînée cabossée pleine de ressentiments brûlants. A ses côtés, Isabelle Gélinas interprète merveilleusement et avec sa grande finesse la dérive de la soeur cadette. Dans les superbes lumières de Jean-Pascal Pracht, et dans la mise en scène subtile de l’auteur associée à Gersende Michel, la pièce déroule son humanité, sa drôlerie et sa poésie pour notre plus grand bonheur.
Hélène Kuttner
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