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Les Rencontres chorégraphiques de Seine-Saint-Denis 2020

Thomas Hahn 6 octobre 2020
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Youness Aboulakoul, "Today is a beautiful day" © Jeronimo Roe

La Seine-Saint-Denis fête le métissage chorégraphique, malgré les difficultés actuelles. Comme chaque année, on y découvre les facettes les plus incisives de la danse d’aujourd’hui et de demain, où les chorégraphes creusent les questions intimes, politiques ou artistiques – et bien sûr esthétiques – qui bouleversent notre époque. À circonstances particulières, Rencontres chorégraphiques particulières !

Ce festival, qui fait partie de l’histoire de la création chorégraphique française et, plus encore à l’international, a habituellement lieu en mai et juin. Mais en 2020, rien ne se fait comme d’habitude. L’observation la plus stricte des protocoles sanitaires est de rigueur, les jauges sont réduites. Il faut résister ! Il faut vivre, sans se voiler la face : le masque est notre allié principal. Et puis, quand on suit un spectacle, on finit par oublier les contraintes liées au virus. Et c’est sans risque, puisque tout le monde porte le masque et que personne ne crie, chante ou parle. A priori. Il faut donc en profiter!

Les artistes sont là, même s’ils sont originaires du Brésil, du Canada, du Maroc, d’Italie ou de Belgique. Anita Mathieu, directrice des Rencontres chorégraphiques internationales de Seine-Saint-Denis depuis 2002, a réussi à sauver les meubles, même si on regrette forcément l’absence des autres compagnies invitées qui devaient venir du Liban, du Nigeria, du Canada ou d’Australie. Les douze propositions finalement au rendez-vous sont toujours aussi diverses et coloriées que notre planète. Nous verrons donc les artistes vivant en France, Belgique, Italie et Suède, et c’est déjà assez compliqué à réaliser.

De découvertes en retrouvailles, beaucoup des chorégraphes que nous espérons finalement voir en Seine-Saint-Denis nous ont déjà offert de riches et beaux moments, et on suivra avec attention les nouvelles étapes dans les parcours de Julie Nioche, Lara Barsacq, Ula Sickle, Maxence Rey, Meytal Blanaru, Marco d’Agostin et Pol Pi qui s’entoure de  Jean-Christophe Paré, figure incontournable de la danse baroque actuelle, et de Solen Athanassopoulos, une jeune hip-hopeuse de Pantin. Moins connus, mais non moins susceptibles de nous passionner: Youness Aboulakoul, Smaïl Kanouté, Benjamin Kahn et Cassiel Gaube.

Parmi ces pièces, dont plusieurs seront créées au cours des Rencontres chorégraphiques, on trouve des univers reflétant des questionnements plutôt intimistes (Aboulakoul, Blanaru, Nioche, Sickle), ce qui n’exclut pas la création de chorégraphies spectaculaires et d’images envoûtantes.

Certains chorégraphes posent un regard sur des faits de société et leurs identités qui se définissent entre histoire et réalité politique. Chez Pol Pi, par exemple, il s’agit de regarder à quoi ressemblait le monde, dans l’année et à l’endroit où on est né.e, alors que Smaïl Kanouté crée un trio de danse, pour parler de la réalité sociale vécue par les populations de descendance africaine, du Bronx new-yorkais à la Goutte d’or parisienne, où il passé une bonne partie de sa vie.

D’autres se placent dans le dialogue avec des univers artistiques, en danse, musique ou littérature. C’est le cas de Maxence Rey qui se laisse porter par les vers du poète Gherasim Luca. Lara Barsacq livre sa vision d’Ida Rubinstein (celle qui commanda  le Boléro à Maurice Ravel) dans un trio entre danse, théâtre et chant et Marco d’Agostin danse ses souvenirs d’un solo du célèbre Britannique Nigel Charnock, prestation survoltée faite de danse, chant et autres folies, alors que Cassiel Gaube se saisit de la musique house et des danses qui la subliment, pour transformer les pas et gestes de cette culture si jubilatoire en une écriture pour la scène.

Et Benjamin Kahn lance l’incroyable danseuse Cherish Menzo (Nééerlandaise d’origine surinamienne) dans un solo où cette danseuse et performeuse foudroyante dialogue avec les stéréotypes de genres et de classes sociales, à partir de l’image de la femme véhiculée par les média et les clip vidéo. Ce qui veut dire que, même reportées du printemps à l’automne, même en format réduit, les Rencontres chorégraphiques 2020 feront bouger les lignes…

Thomas Hahn

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