“Les pigeons” : Michel Leeb et Francis Huster dans une comédie à la Pirandello
Ce sont deux acteurs sur le retour qui attendent dans une salle de casting. Ils se connaissent, font les coqs et seront bientôt les dindons d’une farce au goût amer, concocté par une même femme. Michel Leeb mêle à la comédie le réalisme de la situation des acteurs, tout en dépliant une série de mises en abîme autour du personnage, de la fiction, et de l’auteur de théâtre. Un texte attachant et drôle, servi par de très bons comédiens dont Chloé Lambert et Philippe Vieux mis en scène par Jean-Louis Benoit.
Un duo d’acteurs
Une salle d’attente d’un appartement qui sert d’agence de casting. Sur le canapé en cuir vieilli, il y a Serge, Michel Leeb, en costume de matador, la fleur au fusil, qui porte une belle moustache grise et possède un avis sur tout. Bernard, que joue Francis Huster, est tout le contraire. Discret, sentimental, plutôt modeste, ce dernier est tout autant habitué aux personnages de troisième catégorie, tournant quelques minutes par ci par là. Mais ces deux-là se connaissent depuis 40 ans, ont connu la grande époque de la télévision, auditionné parfois avec les plus grands acteurs, pour des rôles souvent mineurs. On s’accroche, l’intermittence n’a plus de secrets. Leeb et Huster forment un couple épatant, nourri de fausse complicité et de faux-semblants. Le premier, qui a écrit la pièce, joue les cabots dragueurs, roulant les mécaniques d’un machisme tonitruant et roublard. Le second lui oppose un calme en mode mineur, avouant ses échecs et racontant ses souvenirs. Deux frangins de télévision qui s’inventent des vies de cinéma pour oublier la tristesse de leur quotidien.
Coup de théâtre
Après une première partie un peu longuette, le coup de théâtre vient d’une femme, surgit de l’ombre des souvenirs à travers une proposition de scénario. Quand le passé réveille le présent, quand une histoire d’amour manquée vient réveiller un présent monotone, les deux acteurs se retrouvent dans une autre dimension, et la comédie bascule alors vers le fantastique. Avec humour et malice, Michel Leeb donne la revanche aux femmes dont Chloé Lambert se fait la représentante passionnée. On est dans le drame mélo, mais l’intrigue va vite se pimenter … sans que l’on vous révèle la suite. Personnages en quête d’histoire, en quête d’auteur, qui ne vivent que pour jouer, s’amuser, faire exploser le langage. C’est de tout cela dont parle ces « Pigeons », trompés par une ex-maîtresse, rattrapés par un auteur qui veut changer d’histoire, rattrapés par des souvenirs communs qui les rapproche comme des frères. On rit beaucoup, on compatit, on suit ce parcours dans la fiction qui n’utilise que du réel, car les personnages, eux, sont immortels. Plaisir du jeu, plaisir de l’acteur, plaisir d’une histoire à tiroirs, qui part du théâtre de boulevard et aussi d’une quête existentielle. Bravo aux artistes.
Hélène Kuttner
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