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Les particules élémentaires – Houellebecq – Festival d’Avignon 2013

12 juillet 2013
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Les particules elementaires - Houellebecq - Festival d'Avignon 2013

Son meilleur soutien depuis 2009, ses copains de la seconde promotion de l’EpsAd (Ecole professionnelle supérieure d’art dramatique de Lille) en 2009, Guillaume Bachelé, Antoine Ferron, Noémie Gantier, Alexandre Lecroc, Victoria Quesnel et Tiphaine Raffier qui incarnent avec force et conviction les personnages de Houellebecq que Julien Gosselin, admirateur de l’écrivain, regardent avec empathie. Laissant parler son intuition, le jeune metteur en scène sait que Les particules élémentaires constituent un vrai texte de théâtre et cela fait d’ailleurs quelques années qu’il avait rêvé pour ce texte des feux de la rampe. C’est Stanislas Nordey et Vincent Baudriller, les directeurs du festival d’Avignon qui le repère dans sa précédente mise en scène Tristesse animal noir d’Anja Hilling et l’invite à réaliser son rêve à Avignon cet été.

Dans cette adaptation, je ne souhaite pas transposer l’action de la pièce de la fin des années 1990 au début des années 2010, de peur de perdre à la fois l’idée de ce qui s’apparente sous la plume de Houellebecq comme le désastre idéologique de 1968, mais également la dimension enfouie, détruite de ce Monde qui, quelque part, n’existe plus. (…). Ce qui saute aux yeux, c’est que je suis, nous sommes les Michel et Bruno d’aujourd’hui, nous dit Julien Gosselin.

Les particules elementaires - HouellebecqOn ne voit pas passer les 3h40 du spectacle tant l’analyse sociologique de la classe moyenne sur le mode humoristico-dramatique est réussie. Tous les personnages restent sur le plateau tout le temps et racontent au micro des épisodes de leur vie, alternant délire joyeux et foutraque avec une violence intermittente verbale ou physique. L’émotion à fleur de cris, de chuchotements, à fleur de peau et de sons, transpire sur la scène comme si un précipité de vie s’était concentré dans une éprouvette que le public un peu voyeur regarderait le temps du spectacle.


La phrase type de Michel Houellebecq, c’est la succession d’une phrase drôle, éventuellement sexuelle, d’un point-virgule, puis d’un énoncé très poétique. (Julien Gosselin)

Ce spectacle polyphonique et son magistral travail sur la langue de Houellebecq, est un bel objet théâtral propre à nous donner à la fois envie de lire ou relire Houellebecq et de regarder cette époque pas si lointaine des années 98/2000 avec l’œil du sociologue prenant conscience de l’extinction du monde occidental. On ne peut s’empêcher de rejoindre Houellebecq qui à propos de Michel Djerzinski (Antoine Ferron), son personnage principal disait en visionnaire : « Le pays qui lui avait donné naissance basculait lentement, mais inéluctablement, dans la zone économique des pays moyen-pauvres ; fréquemment guettés par la misère, les hommes de sa génération passèrent en outre leur vie dans la solitude et l’amertume. Les sentiments d’amour, de tendresse et de fraternité humaine avaient dans une large mesure disparu ; dans leurs rapports mutuels ses contemporains faisaient le plus souvent preuve d’indifférence, voire de cruauté. »

Les particules élentairesQuant à la performance des acteurs qui ont tous moins de 30 ans, elle est plus que réussie. Sur un ton toujours juste, ils emmènent le public dans leurs quêtes du « maximun de bonheur terrestre » qui passe par l’amour toujours et le sexe, beaucoup. Les femmes qui ont l’air super libérées – saluons ici l’engagement intense et bouleversant de Noémie Gantier, Caroline Mounier, Victoria Quesnel et Tiphaine Raffier – sont au bord de la dépression, voir carrément dedans, les hommes aussi. Les deux sexes sont victimes de « l’option hédoniste-libidinale d’origine nord-américaine. » 

Malgré le coté « no futur », on s’éclate ou l’on souffre avec Bruno le jouisseur (merveilleux Alexandre Lecroc), Michel le scientifique (belle incarnation par Antoine Ferron) sur un continuum de musique live. Composée par Guillaume Bachelé et jouée par les acteurs, la bande son de la pièce ajoute à la cohésion de cette saga de l’homme post-moderne qui traverse une époque sulfureuse et minable comme il peut, c’est à dire mal dans un espace vide de décor. Meilleure manière de donner toute son importance au jeu et à la parole des acteurs qui portent au mieux la poésie lyrique et ironique de la langue de Houellebecq et son parfum post-soixante-huitard…Un grand moment de théâtre que l’on n’est pas prêt d’oublier !

Françoise Objois

Les particules élémentaires

Adaptation, mise en scène et scénographie : Julien Gosselin
Assistanat à la mise en scène : Yann Lesvenan

Vidéo : Pierre Martin // Lumière : Nicolas Joubertson et Julien Feryn
Costumes : Caroline Tavernier // Musique : Guillaume Bachelé

Avec Guillaume Bachelé, Marine de Missolz, Joseph Drouet, Denis Eyriey, Antoine Ferron, Noémie Gantier, Alexandre Lecroc, Caroline Mounier, Victoria Quesnel et Tiphaine Raffier

Tarifs : de 14€ à 28€

Durée : 3h40 entracte compris

Festival d’Avignon

Du 8 au 13 juillet 2013 à 15h

Salle de Vedène

www.festival-avignon.com
www.lechermoncoeur.fr
www.theatredunord.fr

[Crédits visuels : Simon Gosselin]
 

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