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Les mains sales, de Jean-Paul Sartre – Athénée Théâtre Louis Jouvet

11 mai 2009
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L’Illyrie de 1943, État fictif d’Europe centrale alors occupé par l’armée allemande, constitue un terrain où se jouent et se déjouent de nombreux complots au sein du parti communiste. Hoëderer, le chef du parti cherche à préparer l’après-guerre en créant une alliance avec les partis conservateur et fasciste. Il est ainsi considéré comme un « social traître » par les membres du parti communiste. Hugo Barine, jeune militant d’origine bourgeoise en quête d’action directe, est alors désigné comme secrétaire d’Hoëderer dans le but d’approcher ce dernier et de le tuer. Jessica, la femme d’Hugo, pousse les deux hommes à confronter leurs idées. Mais quand Hugo, bien que presque convaincu par les idées de son chef, le surprend embrassant sa femme, il ne peut résister à la pulsion meurtrière. Quand il apprend à son retour de prison que le parti s’est aligné sur la politique choisie par Hoëderer, il choisit la mort plutôt que l’alignement.
Cette pièce écrite en 1948 porte tout le poids de la guerre et des actions menées entre préservation d’un idéalisme politique et volonté d’obtenir une place officielle dans la vie politique du pays au sortir de la guerre. Les mots de Sartre abondent. Les personnages prennent vie dans une profusion de pensées. Les changements de rythme dûs aux situations font croître la tension jusqu’à la toute fin de la pièce.
La mise en scène pleine de contrastes, entre moments de rapprochement, moments où l’on perce à jour les failles des personnages, et moments d’affrontements stylisés met bien en valeur la pièce. Le décor est évocateur et ses changements simples. L’incise du passé occupant presque tout la pièce fonctionne bien, et l’on redécouvre avec une plus grande dimension l’Hugo d’après les événements à la fin, qui est également l’état dans lequel il apparaît au début. Les acteurs servent la pièce, chacun à sa manière, mais tous dans une même unité.
Les mains sales pose la question de l’idéalisme. Jusqu’où celui-ci doit-il être poussé ? Est-il viable en politique ? Si Hoëderer incarne la pensée selon laquelle tous les moyens sont bons quand ils sont efficaces, Hugo incarne la pureté de l’idéalisme. Ayant quitté le milieu bourgeois dont il est issu pour servir la cause révolutionnaire, il ne choisira pas l’alignement à la politique qu’il a cru détruite en tuant Hoëderer, mais bien la mort, et par là même le respect absolu de ses convictions.
La place de la femme, à travers les personnages de Jessica et d’Olga, est aussi évoquée : sans juste milieu, celle-ci apparaît soit comme une femme de maison, ne s’intéressant pas à la politique et ne la percevant que comme un jeu potentiel auquel elle n’a pas accès, soit comme une militante active.
La pièce trouve sa force en posant ces questions intemporelles, qui s’inscrivent dans la pensée de Sartre avec un homme qui ne se définit que par ses actions.

Solène Zantman

mise en scène Guy-Pierre Couleau
dramaturgie et assistanat à la mise en scène Guillaume Clayssen
scénographie Raymond Sarti
costumes Laurianne Scimemi
lumières Laurent Schneegans
musique Philippe Miller
vidéo Michel Fouquet
avec Gauthier Baillot, Xavier Chevereau, Michel Fouquet, François Kergourlay, Flore Lefebvre des Noëttes, Anne Le Guernec, Nils Öhlund, Olivier Peigné, Stéphane Russel

Du jeudi 7 au samedi 30 mai 2009
mardi 19h, mercredi au samedi 20h
matinées exceptionnelles : dimanche 17 mai à 16h et samedi 30 mai à 15h
grande salle

location : 01 53 05 19 19 – www.athenee-theatre.com
plein tarif : de 30 € à 13 €
tarif réduit* : de 24 € à 11 €
*moins de 30 ans, plus de 65 ans, demandeurs d’emploi (sur présentation d’un justificatif)
tarifs Jour J** et moins de 16 ans : de 15 € à 6,50 €
**moins de 30 ans et demandeurs d’emploi (50% de réduction le jour-même, sur présentation d’un justificatif)

Athénée Théâtre Louis-Jouvet
square de l’Opéra Louis-Jouvet, 7 rue Boudreau, 75009 Paris
M° Opéra, Havre-Caumartin I RER A-Auber

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