Les Lois de la gravité : une parenthèse en apesanteur
Les Lois de la gravité De Jean Teulé Adapté par Marc Brunet Mise en scène d’Anne Bourgeois Avec Dominique Pinon, Florence Loiret Caille et Pierre Forest Du 14 février au 26 avril 2015 Tarifs : de 17 à 44 € Réservation en ligne ou au 01 43 87 23 23 Durée : 1h20 |
Jusqu’au 26 avril 2015
Suspendus à leurs lèvres, à leurs moindres faits et gestes : ainsi nous traversons cet instant de théâtre, portés par trois comédiens talentueux. Un petit régal de tendresse et de comique. Un vieux lieutenant de police rompu à l’exercice de ses fonctions est installé au bureau du commissariat d’une petite ville portuaire. Les murs sont défraîchis, des vieux tas de dossiers jonchent le sol, une poubelle pleine ; le décor suggère la routine au soir d’une vie bien remplie. De vieux gants de boxe traînent çà et là. Ce n’est pas à lui, vieux combattant, qu’on la lui fera ! Et pourtant, cette jeune femme qui surgit comme une fleur va le bouleverser. Avec ses grands yeux sensibles et honnêtes qui lui mangent le visage, son attitude enfantine et farouche, cette mère de famille vient se dénoncer pour un crime commis dix ans plus tôt. Il suffirait de la cueillir. Mais cette fleur offerte, ancienne femme battue, a plus l’allure d’une victime que d’une coupable… et cela lui pose un problème. Un scénario de polar inversé se déroule alors sous nos yeux : le policier tente le tout pour le tout afin de sauver la jeune femme de la prison et d’elle-même. La “coupable”, portée par l’énergie du désespoir, cherche à faire tomber les barrières du vieil homme afin de purger sa peine de vingt ans de prison. À travers leur affrontement, différentes forces se trament. Celle qui attire leurs deux corps l’un vers l’autre est de plus en plus palpable. Une tendresse, une attirance naissent. Et résonne la phrase de Tristan Corbière : “L’amour est un duel, bien touché, merci !” Un couple d’acteurs épatant Le duo formé par les deux comédiens principaux est épatant. Si Dominique Pinon et Florence Loiret Caille composent deux personnalités contrastées, ils se retrouvent à l’endroit de la bonté. Une même pudeur unit ces deux âmes désabusées et à fleur de peau. Dominique Pinon incarne dans toute sa vérité cet homme usé, sans illusions, au franc-parler cru mais à l’humanité intacte. La frêle jeune femme tient tête à ce vieux Créon avec l’obstination d’une Antigone assoiffée de vérité et de justice. Enfin, Pierre Forest nous surprend par sa présence saisissante. Le regard extérieur de ce spectateur incrédule souligne le comique et l’absurde de la situation. La mise en scène sobre signée Anne Bourgeois et la variation des lumières en fonction de l’intensité dramatique des scènes nous concentrent sur l’état psychique des personnages. Ce thriller psychologique qui aborde des thèmes graves – la condition des femmes battues, l’horreur des conditions de détention – manque de rebondissements et se termine en queue de poisson. Il pècherait problablement par lourdeur si l’ensemble n’était sauvé par le comique irrésistible qu’impulse Dominique Pinon et le rythme d’une mise en scène pleine d’allant. Nous en ressortons conquis et ravis. Jeanne Rolland |
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