Les Indifférents au Théâtre de l’Oeuvre
Une pièce sur la discrimination : un challenge plutôt risqué, aux vues des difficultés à ne pas tomber dans un discours trop politique, trop cliché, trop bien pensant. Au risque d’avoir des personnages marionnettes, réduits à un seul trait de personnalité, figés et vidés de profondeur. Une grosse, un bègue, un noir, un fumeur et un travesti. Et alors ?
Et alors ça le fait. Et en musique. Les comédiens font preuve de précision tant au chant qu’en matière de jeu, et se fondent habilement avec la mise en scène. L’accompagnement au piano nous donne l’impression d’être dans une opérette, tandis que thème, jeu et mise en scène sont frappants de modernité.
Cinq anti-héros, sur scène, jouent tantôt en cœur les Indifférents, en imperméables et moues renfrognées, tantôt les Différents, individualisés et colorés, aux destins imbriqués, cinq personnages à la construction simple mais pas simpliste, cinq entités cohérentes et crédibles dans leurs interactions.
Des liens simples et agréablement ficelés entre ces personnages permettent à des comédiens chevronnés de déployer leurs talents avec générosité. La diégèse ne crée pas la surprise mais sert de support solide à une mise en scène originale et à une musicalité agréablement surprenante. Un genre inhabituel, mais pas déplaisant, s’épanouit ainsi dans Les Indifférents, qui parvient à relever le défi qui consiste à traiter de la discrimination grâce à un humour et une autodérision bien placés.
La mise en scène est construite à partie de boites en plexiglas, une par personnage, qui sont déplacées par les comédiens au fil de la pièce et permettent une profondeur et un mouvement sur scène qui accompagne bien la trame. Des images et vidéos permettent de compléter les différents tableaux en suggérant une bonne illustration des situations. Le genre de la comédie musicale US n’est pas désagréable et donne à ce spectacle une énergie, une dynamique où l’on ne se prend pas au sérieux et dans lequel les références socio-culturelles sont maniées avec une certaine finesse, derrière une mise en scène franche et directe.
Un spectacle enjoué qui maitrise étonnamment bien un style rigoureux à l’aspiration résolument divertissante, rendu possible grâce à une équipe solide et bien accordée.
Sophie Thirion
Interview expresse de Stéphane Cottin, metteur en scène
Comment s’est déroulée la création de cette pièce ?
J’avais adoré le travail de Camille Turlot et Eric Szerman sur la comédie musicale « Epouse-moi ! », et je les avais contacté pour le cas où ils chercheraient un metteur en scène. Ils m’ont ensuite envoyé le début de leur texte des Indifférents, qui m’a immédiatement séduit, et nous avons ensuite travaillé ensemble sur le texte et la mise en scène. Il s’agit donc d’une création à trois personnes où tout est orchestré extrêmement précisément, et on demande à tous une rigueur très pointue dans ce type de spectacle.
Parlez nous justement de ce type de spectacle, que l’on voit rarement sur les planches à Paris..
C’est vrai qu’on voit peu de comédies musicales de ce type en France, c’est un style directement rapporté des USA, la comédie musicale à la Broadway, genre que j’affectionne tout particulièrement, par la franchise et la générosité des voix qu’il commande. Le compositeur des Indifférents a été formé à Broadway, et nous a apporté ses références musicales. Il y a dans cette forme de spectacle vivant une façon d’envoyer le chant, moins en retenue que dans la façon française. C’est donc surtout la façon de chanter qui me séduit dans ce style, et la précision qu’il commande, car tout se joue à la seconde, le chant, le jeu, les images.. Il a fallu un travail énorme pour orchestrer cette pièce, et nous sommes vraiment fiers de l’énergie qu’a déployé toute l’équipe.
Où avez-vous trouvé l’inspiration pour la mise en scène ?
Je suis très inspiré par le travail de Robert Lepage, metteur en scène canadien, qui a inventé la scénographie à base de boîtes. Le sujet se portait tout à fait à cette mise en scène : dès le début cela m’a frappé : discriminer, c’est mettre les gens dans des boites. Je suis vidéaste de formation et j’ai pour cette pièce fait appel à un stock d’images et de vidéos, que j’ai pu mettre en relation avec la pièce et qui m’ont inspiré ; par exemple, en tombant sur une horloge j’ai eu l’idée de placer cette image pour illustrer le travail, cela me parlait.
Le but avec cette mise en scène, ces images, est de suggérer une réalité. Un comédien descend d’une boite, et le spectateur se souviendra d’une personne qui descend d’un bus. C’est cela, une mise en scène réussie, pour moi.
Les indifférents
De Camille Turlot & Eric Szerman
Mise en scène : Stéphane Cottin
Avec : Virginie Bracq, Nelly Célérine, Emmanuel Curtil, Fabrice Fara, Camille Turlot.
Piano : Eric Szerman
Scénographie : Sophie Jacob
Lumière : Marie Hélène Pinon
Costumes : Aurore Popineau
Chorégraphie : Jeanette Damant
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Du 2 juin au 11 septembre 2010
Relâches exceptionnelles : 12/06, 16/06, 29/06, 16/07, 29/07 et du 1/08 au 16/08 2010
Du mardi au samedi à 21h
Réservations : 01 44 53 88 88
Pleins tarifs : 34€ – 28€ – 21€
Premiers au premières, du 2 au 5 juin 2010, réduction de 50 % sur les places.
Tarifs réduits (groupes à partir de 10 du mercredi au vendredi) :
Collectivités: 28€ (au lieu de 34) et 21 € (au lieu de 28) – Groupes de jeunes:10€
Le mardi à L’œuvre : tarif unique 21€
Théâtre de l’Œuvre
55 rue de Clichy
75009 PARIS
Métro Place de Clichy ou Liège
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